Directeur des sports à la Métropole de Lyon, présidée depuis le mois de mai par l’écologique Bruno Bernard, Yves Maclet explique le rôle de la collectivité territoriale dans l’accompagnement des clubs de football vers un fonctionnement plus durable et dans l’organisation d’événements sportifs plus verts à Lyon.
Nous parlons souvent de la transition écologique dans le secteur des transports, de l’habitat, de l’alimentation, de la gestion des déchets, pourquoi le sport semble en retard sur ces problématiques ?
Le sport est effectivement moins visible sur cette thématique que d’autres champs. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il est en retard ou qu’il ne se préoccupe pas des enjeux environnementaux. Des choses avancent, comme par exemple sur la gestion des déchets lors des événements sportifs. Le tempo est donné par les fédérations internationales, comme la FIFA et l’UEFA, qui imposent des cahiers des charges de plus en plus ambitieux et contraignantes en matière d’impact environnemental aux collectivités pour l’accueil des grands événements sportifs. Le sport n’est pas en pointe, mais il n’est pas très en retard non plus.
.Quels sont les leviers de la transition écologique du football ?
Aujourd’hui, dans le champ du football, l’exemple vient des institutions internationales et de certains clubs amateurs. Les instances internationales imposent des cahiers des charges environnementaux pour financer et soutenir les événements sportifs. Elles acceptent de soutenir financièrement sous conditions du respect des conditions environnementales, par exemple que vous soyez capables de faire du tri sélectif. Si je prends l’exemple du cyclisme avec le passage du Tour de France à Lyon, la question de la gestion des déchets est très sensible. L’opinion publique est attentive à cela. En zone rurale, des maires rouspètent à juste titre car les voiries sont laissées dans un état lamentable. Pour le football, les instances internationales sont plutôt respectueuses de ces contraintes. Elles ont un effet d’entraînement. Les clubs font attention dans leurs enceintes sportives, notamment lorsqu’ils sont propriétaires des stades comme c’est le cas de l’Olympique lyonnais au Groupama Stadium. L’OL joue doublement à domicile puisque le stade lui appartient et il a la charge financière de l’entretenir. Ils paient le nettoyage, donc j’observe que sur le tri sélectif par exemple, la gestion est radicalement différente par rapport au stade de Gerland. C’est le jour et la nuit.
Les effets de leviers peuvent aussi être financiers. Pour être incitative, la puissance publique, à savoir l’État et les collectivités, qui subventionne et finance des événements, doit imposer son cahier des charges en matière environnementale. Ces exigences doivent être aussi sociales, notamment au regard du prix des billets qui est facteur d’exclusion d’une partie du public. A la Métropole de Lyon, depuis 3 ou 4 ans, nous avons mis en place des billetteries sociales.
Vos attributions de subventions intègrent donc la politique environnementale des clubs comme critères ?
Oui. Mais nous nous adaptons et il ne s’agit pas d’imposer stupidement. Nous discutons avec les clubs car ils sont nos partenaires. Nous regardons ce qu’ils font et quelles sont leur exigences. Parfois, nous rajoutons des exigences. Lorsqu’une demande de subvention est formulée à la Métropole, il existe une fiche d’impact environnemental que les clubs doivent remplir. Ces fiches portent sur le traitement des bio-déchets, l’évacuation des ordures, sur la mise en place du tri sélectif, l’utilisation des bouteilles d’eau en plastique etc.
Elles sont la plupart du temps très bien remplie. Seulement, il n’existe pas une vérification systématique de ce qui est réellement mis en place lors des manifestations sportives le week-end. De temps en temps, nous allons sur ces manifestations et nous voyons que cela fonctionne plus ou moins bien.
.De votre position de directeur des sports, sentez-vous les clubs de football prêts à transformer leur organisation et leur activité pour limiter les impacts environnementaux ?
Oui, tout à fait. Je sens une prise en compte plus en plus régulière et réelle des enjeux environnementaux par les dirigeants de clubs, mais ce n’est pas encore une priorité pour eux. Mais les clubs ont besoin d’un accompagnement pédagogique dans un premier temps. Après, rapidement, se pose la question des coûts pour les clubs dans l’achat du matériel adéquat.
Je vois des clubs qui mettent en place le tri sélectif ou qui arrêtent l’utilisation des gobelets en plastique pour les goûters d’après-match. Sur l’utilisation des douches et de l’électivité, les clubs font de plus en plus attention, notamment sous la pression des communes qui sanctionnent fréquemment les dérives. Les élus aux sports doivent utiliser cette sensibilisation « coup de force » avec certains clubs. Je ne crois pas au grand jour de la transition écologique du football. C’est un travail de longue haleine, avec les messages de l’État, des collectivités et des fédérations nationales et internationales. Cela nécessite de la pédagogie et de l’apprentissage par tous les acteurs, mais aussi de savoir sanctionner quand il le faut. Nous ne le faisons pas pour l’instant car il n’y a pas suffisamment de moyens de suivi, mais il faudra bien sanctionner financièrement lorsque nous constaterons que ce qui est déclaré dans les fiches d’impact environnemental n’est pas mis en œuvre.
.La transition écologique et les questions environnementales est un enjeu transversal. Comment la transition écologique du football s’intègre-t-elles dans les politiques métropolitaines ?
La Métropole de Lyon possède des compétences très larges puisque nous gérons la distribution de l’eau, la propreté, la voirie, le nettoiement, le logement, le développement économique, le tourisme etc. Ses compétences larges permettent plus facilement d’estimer les coûts et les externalités d’une manifestation sportives afin d’agir à plusieurs échelles sur l’organisation d’un événement sportif. Par exemple, le nettoyage pour le week-end du passage du Tour de France le 12 et le 13 septembre coûte 85 000 euros à la Métropole. Cela nous constitue un moyen d’action car le jour où les organisateurs ne sont pas attentifs et nous laissent la pleine charge financière, nous refuserons de les accueillir.
.Pour se rendre au stade, le supporter de football va se déplacer, va consommer un repas, acheter un objet dérivé, vivre le match, comment permettre à un supporter qui se rend au stade d’être éco-responsable ?
Individuellement, ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas prendre chaque supporter par la main et lui montrer le bon comportement. Auprès d’un public de masse, nous passons par de l’information. Parfois, nous devons passer par la répression, à savoir la verbalisation sur la voie publique lorsqu’il y a des abus. Il y en a beaucoup. Le travail passe l’information et la responsabilisation de chacun car nous n’allons pas mettre chaque agent de la police municipale derrière chaque supporter. Il n’y a pas de solution miracle.
La mise en place du tri sélectif et de la gestion des déchets est rendue compliqué avec les mesures sanitaire et avec le risque terroriste où pendant longtemps il a été interdit de mettre des poubelles avec des sacs sur les lieux publics. Il faut avoir des sacs très facilement accessibles pour faire le tri sélectif et les points de collecte doivent être aisément repérables si nous voulons que cela fonctionne. Nous devons assurer le suivi des points de collecte. Par exemple, sur un match au Groupama Stadium à jauge pleine, le bac à ordures est plein en une heure nous le renouvelons pas. Après, les gens jettent leurs déchets à côté et puis loin des poubelles car elles débordent. La charge financière du nettoiement est pour l’Olympique lyonnais autour du stade. Mais les villes de Décines, Chassieu et Meyzieu possèdent également des coûts de nettoiement. Elles le subissent.
.Le nouvel exécutif en place vous a t-il donné un cahier des charges sur cette thématique ?
Non, pas encore. Il est encore trop tôt. Mais c’est nous qui allons le proposer aux élus.
Propos recueillis par Guillaume Vincent.