Le Cav' se met au vert

Maëlle Trarieux : “L’Olympique lyonnais veut devenir pionnier en matière de transition écologique”

Au mois de juin dernier, l’Olympique lyonnais a dévoilé un partenariat ambitieux avec Veolia qui doit permettre au club rhodanien d’enclencher sa transition écologique. Maëlle Trarieux, responsable RSE et Déléguée générale de l’OL Fondation, nous raconte les dessous de la politique environnementale du club champion d’Europe chez les dames et demi-finaliste de la Ligue des Champions chez les hommes.


Comment s’est initié le partenariat avec Veolia ? Quelles actions seront mises en place dans le cadre de ce partenariat ?

Veolia est un partenaire de longue date de l’Olympique lyonnais, puisque c’est un sponsor des équipes féminine et masculine depuis 2010. L’an dernier, les présidents de l’OL et de Veolia ont souhaité s’appuyer sur la compétence dans le domaine de l’environnement de Veolia puisque l’eau, l’énergie et la gestion des déchets constitue son cœur de métier. L’Olympique lyonnais veut devenir pionnier en matière de transition écologique. Les liens à créer entre les deux entités étaient donc évidents et nous avons commencé à travailler ensemble. Le partenariat est né en 2019. Nous avons crée un groupe de travail OL-Veolia se réunissant tous les mois afin de balayer tous les sujets sur lesquels nous pouvions collaborer. Nous ne l’avons pas annoncé directement car nous préférons travailler avant de communiquer. 

Très vite, nous avons travaillé sur un bilan carbone afin d’obtenir une photographie précise de toutes les activités du club et leurs émissions de gaz à effet de serre dans le but d’identifier les leviers d’amélioration. Nous sommes en train de terminer la collecte des données. Un des autres sujets prioritaires a été l’eau. Nous sensibilisons nos supporters avec des dispositifs de bars à eau les jours de matchs pour inciter les supporters à boire l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille plastique. Nous avons un travail en cours sur les gourdes auprès de nos joueurs et de nos joueuses pour lutter contre le plastique à usage unique. Nous travaillons également sur des méthodes nudge, à savoir l’incitation douce, pour faciliter le bon geste de tri pour les supporters pour augmenter le taux de recyclage des déchets au stade. Sur le merchandising, le partenariat avec Veolia vise à promouvoir des produits conçus de manière éco-responsable et locale. Dans quelques semaines sortira un T-shirt 100 % fabriqué avec du plastique recyclé au nord de l’Italie. Beaucoup de sujets sont sur la table avec Veolia, mais l’Olympique lyonnais porte des projets écologiques hors du partenariat avec Veolia. Par exemple, nous essayons de favoriser le déplacement à vélo de nos supporters pour venir au stade et de nos salariés sur le trajet domicile-travail. Enfin, nous avons mis en place depuis juillet d’un potager en permaculture de 550 mètres carrés au sein duquel nous accueillons des groupes d’enfants et d’adultes pour de la sensibilisation à l’environnement.

La démarche environnementale de l’Olympique lyonnais vise améliorer notre fonctionnement interne – où travaillent plus de 250 salariés – et d’être un porte-parole pour sensibiliser notre communauté. Les joueurs sont des ambassadeurs pouvant parler à notre communauté de ces projets écologiques. Cela a abouti à la production d’une vidéo avec des trois joueurs et trois joueuses pour provoquer des débats sur l’eau, le vélo ou l’alimentation chez les supporters.

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La politique RSE dans un club de football, c’est quoi ? Est-elle différente de celle d’une entreprise classique ?

Effectivement, certains aspects sont spécifiques à notre institution, mais d’autres sont assez classiques pour une entreprise. L’OL est une structure multiple. Tout d’abord, nous sommes un employeur avec des salariés et des obligations inhérentes à toutes les entreprises en matière de formation, de discriminations, d’égalité etc. Ensuite, nous sommes gestionnaire d’un site privé de 45 hectares avec un stade immense, ce qui implique des responsabilités particulières dans la gestion de ce site. Le fait d’être propriétaire du site renforce la démarche environnementale du club, notamment en matière de gestion des déchets. Enfin, nous sommes un club de football professionnel, avec une équipe masculine, l’équipe féminine la meilleure du monde et un centre du formation mixte. Notre académie, à travers le projet éducatif et citoyen des jeunes, est un lieu d’apprentissage et nous insistons sur le parcours scolaire. A travers nos équipes professionnels, nous avons la capacité de faire passer des messages à un grand nombre de personnes. Nous avons la spécificité de pouvoir parler à une communauté très large, donc un pouvoir de sensibilisation important. Tout cela fait partie de notre démarche RSE et sont propres au statut de club de football professionnel. 

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Comment permettre à un supporter qui se rend au stade d’être éco-responsable ? Les fans de football sont-ils sensibles à leur impact environnemental ? Cette démarche environnementale de l’Olympique lyonnais peut-elle fidéliser les supporters ?

Je suis persuadée que nous avons une très grande diversité de supporters. Le supporter-type n’existe pas. Ils sont le reflet de la société, ce sont des hommes, des femmes, des jeunes, des plus anciens, et sont plus ou moins sensibles à l’environnement. Notre démarche ne parlera de la même façon à tous les supporters. Pour certains, la conscience environnementale est acquise. Notre objectif est d’aller parler aux autres qui s’intéressent moins au sujet ou sont moins sensibilisés. Nous espérons que notre message fasse changer les comportements.

Je pense que notre démarche peut fidéliser les supporters. Nous le voyons déjà avec la fondation qui était jusqu’à présent essentiellement axée sur des aspects sociaux et sociétaux avec des projets avec les enfants malades, en situation de handicap ou les personnes défavorisées. Nous mesurons quantitativement et qualitativement l’adhésion très forte des supporters de l’Olympique lyonnais aux projets portés par la fondation. C’est une fierté pour les supporters car ils savent distinguer le sportif de l’intérêt général. Au vu de l’importance que prend les sujets dans la société, les supporters ne pourraient être que satisfaits de nous voir agir sur le développement durable.

Le Groupama Stadium, le “formidable outil” qui se veut économe et un lieu d’apprentissage au développement durable.

Alors que le football paraît désincarné des réalités économiques et sociales, comment est reçue une démarche RSE d’un club de football ? Comment être crédible ?

Nous sommes conscients de ce qui peut sembler contradictoire et paradoxal. Nous travaillons dur et ce sujet est porté par le club de manière prioritaire. Nous sommes un club de football. Avant tout, nous existons grâce aux équipes professionnelles et au centre de formation. Par conséquent, nous ne pouvons pas tout bouleverser du jour au lendemain et ne prendre en compte uniquement l’argument environnemental lorsque sont prises les décisions. Par exemple, les déplacements des joueurs en avion, depuis quelques temps, peuvent choquer. Nous avons étudié ce problème et envisagé des alternatives crédibles, mais les marges de manœuvre sont réduites. Les enjeux de récupération et de planification des matchs, le risque de retard sont à prendre en compte. Certains déplacements peuvent se faire autrement qu’en avion, mais cela concernera seulement quelques matchs par an. Pour le reste, nous n’avons pas le choix et je n’ai aucun problème à le justifier. Cela ne nous empêche pas de travailler sur le mode de déplacement quotidien de nos salariés, y compris des joueurs. Par ailleurs, concernant la pelouse, nous avons un système de résistances chauffantes comme beaucoup de clubs pour préserver le gazon l’hiver car il doit garder un haut niveau de qualité toute l’année. Il faut répondre aux exigences des instances. Par contre, l’électricité du Groupama Stadium, qui alimente ces résistances, provient de l’énergie renouvelable. Si demain la réglementation s’assouplit, nous changerons notre mode d’entretien des pelouses. Notre rôle est de faire preuve de pédagogie et d’expliquer ces contraintes que nous devons intégrer.

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Les clubs professionnels en France multiplient les initiatives écologiques, en particulier pendant cette période de crise sanitaire. Finalement, cette compétition qui s’installe entre clubs est-elle vertueuse ? 

« Compétition vertueuse » est une bonne formule. Globalement, nous avons des relations positives avec les autres clubs sur ce sujet. La LFP a mis en place des séminaires RSE deux fois par an avec les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 qui échangent sur les problématiques qu’ils rencontrent, leurs succès et leurs échecs. Une vraie discussion s’est instaurée au niveau national. Ce n’est pas la compétition du club qui fera la plus grosse opération ou celui qui aura la bonne idée avant les autres. Par contre, quand un club teste une action et qu’elle fonctionne, cela peut donner des idées aux autres. Chacun se nourrit des initiatives des autres. Chaque club possède son ancrage local et ses supporters, ce n’est pas une course à l’image. Nous n’allons pas piquer des supporters à Bordeaux ou à Nice parce que nous avons installés des ruches. Chaque club agit en fonction de son environnement et de sa communauté.

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L’Olympique lyonnais a de nombreux clubs partenaires amateurs sur lesquels il possède une influence. Peut-on imaginer un club professionnel accompagner ses clubs partenaires sur la transition écologique ?

Complètement, nous possédons une trentaine de clubs amateurs partenaires. Mettre en place de relations « positives » avec le milieu amateur fait partie de notre démarche RSE. Depuis une dizaine d’années, nous construisons une relation durable qui ne se résume pas à aller prendre les meilleurs joueurs et de laisser les équipes appauvries. Il s’agit de construire un véritable partenariat. Par exemple, nous mettons en place des formations pour les éducateurs des clubs amateurs des aspects sportifs. Au niveau de la fondation, nous sollicitons nos partenaires pour participer à nos actions sur des journées thématiques comme Octobre rose, le Téléthon etc. Bien sûr, sur la thématique environnementale, les efforts que nous menons peuvent avoir des retombées positives pour eux. Par exemple, le système de gourdes peut très bien se transposer chez les clubs amateurs. Une fois que nous avons testé nos actions chez nous, nous souhaitons partager nos enseignements et les diffuser au maximum.

Propos recueillis par Guillaume Vincent.

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