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« It’s coming home »

19 août 2020 : c’est l’heure. L’heure de la « démontada ». Bis repetita. En descendant du bus bavarois, Thomas Müller affiche un sourire diabolique « face cam », comme fin prêt à martyriser la défense lyonnaise. Marcelo-Lewandowski, Marçal-Gnabry, Denayer-Perisic, le choc des titans. Il n’y a aucun doute possible, nous sommes bien dans la partie de tableau la plus relevée. Cet OL là peut renverser des montagnes, ce Bayern hante les nuits des Catalans, ce « Final 8 » exaspère chaque jour un peu plus nos amis marseillais. A bientôt trois heures du coup d’envoi de cette seconde demi-finale, c’est le calme plein à l’Allianz Arena et au Groupama Stadium. Les hostilités s’apprêtent à débuter sur la pelouse de l’Estádio José Alvalade à Lisbonne. Gones et Munichois s’échangent les premiers regards provocateurs, Marcelo regrette déjà son « On va leur montrer qui est l’OL » d’avant-match en apercevant le géant polonais. Lewandowski, lui, se prépare à marquer l’Histoire. Et l’histoire, c’est nous qui l’écrivons. Le résumé du match avant le match, c’est maintenant.


18h32 – Le plateau de Champions Zone ne peut s’en empêcher. Un débat torride s’enclenche sur cette formule du quotidien allemand Bild qui fait polémique depuis lundi : « Pas de Pep cette-fois ci, le Bayern va démolir l’OL ». Chacun y va de sa petite phrase choc, comme pour attirer l’attention dans ce marasme intellectuel où la sémantique n’a pas sa place. Les yeux rivés sur son poste de télévision, le supporter lyonnais est inquiet. Il n’a pas encore sorti l’écharpe, mais ça ne saurait tarder. La pizza, elle, attend patiemment son heure au frigo. Il ne se fera pas avoir une deuxième fois d’affilée par ce maudit livreur incapable de trouver le 22 bis. Scrollant frénétiquement sur twitter, comme par habitude, il ne peut s’empêcher d’imaginer le scénario catastrophe, le but du Bayern dès l’entame et la fessée qui s’en suit. Vivement que ça commence, l’attente devient plus insupportable chaque minute.

19h16 – Théo Mazars sort son maillot collector floqué « Platini ». Il l’embrasse et l’enfile. Une petite prière à l’appui, l’OL ne doit pas franchir le cap des demies. Mia san Mia.

19h47 – Les compos tombent enfin. Pas de surprise côté lyonnais, l’innovation tactique n’est pas le fort de notre cher Rudi. Un 3-5-2 hybride avec le trio du cru Caqueret-Aouar-Guimaraes au milieu, le troisième ayant été adopté par tout le peuple du 69. Côté bavarois, Alphonso Davies aura le loisir de nous rejouer sa « Semedo » sur le mi-gone, mi-canari, Léo Dubois. 4-2-3-1 pour Flick, avec Goretzka et Thiago dans l’entrejeu : du Caviar pour tous, mais surtout pour les attaquants.

20h11 – La tension monte d’un cran. Rixe à l’échauffement entre Lopes et Neuer. Gorgelin n’étant plus présent pour jouer les gardes du corps, c’est le gardien allemand qui prend le dessus. Retour aux vestiaires dans un état second pour le natif de Givors. Manuel espère quant à lui humilier son adversaire d’un soir aux tirs-au-but.

20h25 – Début de l’échauffement et déjà un fait de jeu majeur. Kimmich se claque lors d’une accélération. C’en est fini pour lui ce soir, Odriozola le remplace dans le 11 du Mister. Paolo Rongoni jubile, Garcia vantera encore ses mérites en conférence de presse d’après-match : pas de blessé à signaler côté lyonnais.

20h41 – Causerie titanesque de « Coach Garcia ». Les murs tremblent. La voix du technicien résonne jusque dans les travées du stade. « AHOU ! » s’écrie toute l’équipe, avant de s’aligner bien scolairement dans le couloir.

20h55 – Entrée des joueurs dans une ambiance des grands, que dis-je, très grands soirs. Géraldine de la compta est en délire au Groupama Stadium ; toujours pas d’animation du côté de l’Allianz Arena. Memphis a le regard fixé sur le rond central, une envie d’en découdre évidente se lit sur son visage.

21h01 – Antonio Mateu Lahoz est dépité. Une minute de retard à sa montre. Il s’empresse de lancer les hostilités. C’est parti, coup d’envoi de ce Bayern-OL donné par les munichois qui envoient une mine en touche dans le dos de Cornet. Le ton est donné, le Bayern est venu presser.

21h05 – Ce qui devait arriver… Lewan-goal-ski 1, Lyon 0. Lancé en profondeur par une déviation toujours en esthétisme de Müller, le buteur polonais se joue de Marçal avant d’ajuster Lopes d’un enroulé du droit. Chirurgical le Monsieur. Le commentateur ne peut s’empêcher de se demander pourquoi Jason Denayer fonce dans le but sur l’action, mais le supporter lyonnais lui sait. Et son optimisme déjà défaillant vire au fatalisme.

21h11 – 10 premières minutes endiablées, l’OL répond au Bayern mais trouve le poteau de Neuer, avant de subir un contre éclair. Thiago démontre une nouvelle fois qu’il est le meilleur relayeur de la planète en délivrant un caviar pour Gnabry. Les Ardennes n’auront pas tenu longtemps. Les vagues allemandes déferlent et le jeune ailier s’octroie un piqué de classe sur le gardien lyonnais. Fancy Gnabry. 2-0.

21h34 – Théo Mazars exulte, l’OL n’existe presque plus, Tristan Boissier songe à éteindre son téléviseur. A quoi bon ? Une seule frappe depuis la 12e minute de jeu pour les hommes de Rudi Garcia contre 14 pour le Bayern. C’est un MASSACRE.

21h42 – Jean-Michel Aulas révise ses gammes d’anglais. Il s’apprête à rendre une visite de courtoisie à Monsieur Lahoz à la mi-temps, par simple précaution, lorsque l’impensable se produit. Sur une merveille de passe d’Aouar, Karl Toko Ekambi trébuche et surprend son vis-à-vis, le ballon arrive dans les pieds de Memphis qui prend sa chance en première intention. La toile d’araignée subit le ballon brossé de plein fouet. Neuer n’a pas bougé. 2-1, Rudi pousse un soupir de soulagement.

21h46 – A la stupeur de tout un peuple, le Bayern ne mène que par un but à la pause. C’est tout sauf mérité, c’est tout sauf compréhensible, c’est même tout sauf plausible, et pourtant la place Bellecour y croît de nouveau. Le capitaine courage a redonné l’espoir à la capitale des Gaules. Lugdunum représente. La banlieue influence l’OL, l’OL influence le monde.

21h59 – Reprise des hostilités. La pizza est toujours dans le frigo, on n’a pas la tête à ça en terre lyonnaise.

22h20 – Coup de tonnerre en bavière. Endormis par le jeu morne de leurs adversaires, les partenaires de Manuel Neuer en ont oublié Jeff Reine-Adélaïde, entré il y a quelques minutes et déjà parti dans le dos de Boateng. 2-2 d’un fabuleux plat du pied droit. Marseille, première ville allemande de France depuis samedi, est muette.

22h22 – C’est l’heure de faire un vœu. Les Gones ferment les yeux ensemble, sera-t-il exaucé cette fois-ci ?

22h35 – Plus que dix minutes dans le temps réglementaire et les choses s’accélèrent. Raymond Domenech se fend de son habituel tweet pour amuser la galerie et s’attirer les foudres de tout un pays (un peu en avance pour une fois) et vante les mérites du « génie » Garcia qui donne la leçon à « l’arrogant » Flick. Le directeur de publication de Bild appelle sa maison d’édition pour connaître les modalités de destruction des derniers titres parus, tandis le stagiaire de l’Equipe présente fièrement à son tuteur sa trouvaille pour la Une du lendemain : « RENVERSANT » avec les lyonnais qui célèbrent le deuxième but.

22h39 – Le miracle prend forme. Maxwell Cornet, icône de toute une génération, embarque Odriozola dans une série de dribbles dont il ne discerne ni le sens, ni la finalité, avant de le déposer sur la touche avec une accélération dont il a le secret. Le numéro 27 de l’OL vient ensuite défier Boateng, dont les appuis lâchent au mauvais moment. Penalty indiscutable, la cheville de l’Ivoirien est en sang. Héroïque comme toujours le Maxwell. Memphis Depay s’avance. Une panenka comme face à la Juve ? Que Nenni, le capitaine prend ses responsabilités et envoie un missile dans la lucarne gauche de Neuer. A 5 minutes du terme, l’OL mène 3-2.

22h47 – L’attente est interminable, la souffrance est immesurable, mais la réécriture de l’Histoire est en marche : ce coup-ci, les Ardennes tiennent bon. Le calice jusqu’à la lie pour les Bavarois qui s’offrent un 32e tir dans ce match, sans pouvoir trouver le chemin des filets. Lopes signe une treizième intervention aérienne avant de s’écrouler à terre pendant trois minutes pour les supporters allemands et marseillais et trois secondes pour le reste. Antonio Mateu Lahoz jette un regard à la tribune présidentielle, adresse un clin d’œil discret au septuagénaire, et libère toute une ville. C’est terminé, l’OL s’impose 3-2 face au Bayern et rallie la finale de la Ligue des Champions.

Aulas jubile et, ivre (de bonheur), remercie la LFP, Roxana et le gouvernement d’avoir stoppé le championnat au micro de Mohamed Bouhafsi. Il est même à deux doigts de reconnaître ses défauts de gestion mais il ne faut pas trop lui en demander non plus à papi Aulas. Rudi Garcia, sacré entraineur de l’année, demande quant à lui sa carte chez les Bad Gones. « Et ouais pelo, j’suis un vrai Gone moi » déclare-t-il après la rencontre, avant d’enchaîner avec son traditionnel « je crois qu’on est dans le vrai ». Théo Mazars a éteint son téléviseur. Il est allé chercher une veille cassette dans son grenier. Un objet obscur sur lequel on trouve, avec parcimonie, des extraits de victoire de l’ASSE. A Lyon, la soirée est magique, et à deux doigts de glisser dans l’éternel. A un pas très exactement. Encore une marche à franchir dimanche pour marquer l’Histoire.

Jules Grange Gastinel

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