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Das Bremer Wunder

Traduisez par “Le miracle brêmois” et c’en est littéralement un. Au terme d’une saison catastrophique, le Werder Bremen s’est finalement maintenu au bout du suspense face à Heidenheim lors du barrage de la Bundesliga. Le soulagement est d’autant plus grand que le Werder paraissait condamné il y a à peine un mois. Mais comment un club historique du championnat allemand, comptant le plus de saisons dans l’élite, a-t-il pu en arriver là ? Premiers éléments de réponse avec le Werderaner, un supporter français du Werder Bremen. 


Le soulagement à Heidenheim 

Il est très exactement 22h33 lorsque Felix Brych siffle la fin du match entre Heidenheim et le Werder Bremen. Dans la Voith-Arena, les cris brêmois résonnent forts au milieu de l’absence de supporters. En ballotage défavorable presque toute la saison, le Werder obtient un maintien miraculeux sur la pelouse du troisième de deuxième division qui avait éjecté Hambourg du podium lors de l’avant-dernière journée. Ce barrage n’aura pas été de tout repos pour les joueurs de Florian Kohfeldt. 

Le 11 du Werder aligné en barrages pour le maintien en Bundesliga

Après un match aller calamiteux dans un inhabituel 4-4-2 en losange, l’entraîneur brêmois avait décidé de revenir à un 5-4-1 plus classique dans lequel les joueurs se sont un peu reconnus en fin de saison, lors d’un sprint final stressant. Ce retour à un système travaillé depuis le début de l’année a permis à l’équipe de retrouver ses repères. L’ouverture du score rapide (3’) grâce à un but contre-son-camp de Theuerkauf a soulagé les Brêmois, les plaçant dans une situation confortable, celle de laisser le jeu à l’adversaire et d’attendre le contre. Une stratégie allant parfaitement avec le bloc bas de cinq défenseurs mis en place par Kohfeldt. Après avoir tenu quasiment tout le match face à un Heidenheim peu inspiré offensivement, le Werder a craqué finalement à la 85ème minute de jeu face à Kleindienst, pimentant la fin de match. Celle-ci est devenue complètement folle mais Brême a éteint les espoirs de première saison dans l’élite pour Heidenheim par l’intermédiaire d’Augustinsson (94’) et ce, malgré une nouvelle égalisation de Kleindienst sur penalty cette fois-ci (97’). Une minute plus tard, tout Brême a pu souffler, le maintien est là, un miracle. 

Une saison dans le chaos

Le miracle s’est joué sur la fin de saison et pas seulement sur la double confrontation contre Heidenheim. A vrai dire, rien que cette place de barragiste relève de l’exceptionnel. Nous sommes le samedi 27 juin, date de la 34ème journée de Bundesliga. Le Werder est 17ème du classement et n’a pas son destin entre ses mains. Le club de la Weser accueille Cologne tandis que le Fortuna Düsseldorf se rend à Berlin pour y défier l’Union. Les deux adversaires des deux candidats à la place de barrage n’ont donc plus rien à jouer. Cette dernière journée s’avère presque une formalité pour le Werder. Cologne lâche totalement l’affaire et encaisse un sévère 6-1. De son côté, le Fortuna perd ses moyens contre l’Union (0-3). Le Werder finit donc seizième et barragiste. 

Le Werderaner est un supporter français du Werder Bremen. Il a lancé un compte Twitter début juin, en pleine lutte pour le maintien. La saison a été harassante pour lui comme pour tous les fans brêmois. “L’enchaînement de janvier à février avec 8 défaites d’affilée m’avait plombé le moral”, dit-il. Comment le Werder a-t-il pu connaître pareille défaillance avec un effectif plutôt intéressant ? Pour le Werderaner, cela est notamment dû à un coup du sort en début de saison. Auteur de 12 buts et 14 passes décisives la saison passée, le capitaine Max Kruse a quitté le club pour la Turquie. “L’animation tournait autour du joueur, notamment Osako et Rashica. Pour Klaassen, il est un joueur technique qui doit être dans une zone de confort pour exprimer son talent. Au fur et à mesure de la saison, l’enchaînement des mauvais résultats a pris le pas sur le jeu. Le point de fixation pour remplacer Kruse a été Füllkrug, qui a aidé aux premiers bons résultats de l’équipe avant de se faire les ligaments croisées”. C’était le 14 septembre dernier et après trois buts et deux passes décisives, Füllkrug, formé à Brême et revenu pendant l’été 2019, voyait sa saison s’arrêter. Le domaine médical a été le gros point noir du Werder avec “plus de 15 blessés dans le groupe professionnel à la mi-saison”. Cette situation ubuesque a forcé la direction du club à changer l’équipe médicale au milieu de la saison, “une première dans ma vie de supporter”, note le Werderaner.

Depuis la troisième place en 2010, le Werder Bremen est sur le déclin, ayant atteint le top 10 à seulement trois reprises pour de modestes huitième et neuvième places. Cette saison, la plus tendue au niveau comptable, sert donc d’avertissement pour le futur du club.

Du nouveau pour la suite ?

Pas vraiment. Sur les bords de la Weser, on aime la constance. On se souvient des 14 annéess magnifiques d’Otto Rehhagel à la tête de l’équipe (1981-1995) et de la période faste de 14 années également de Thomas Schaaf entre 1999 et 2013 qui avait ramené le club sur les sommets de la Bundesliga. Dans la direction brêmoise, on croit fortement en Florian Kohfeldt, ancien joueur du club et qui a fait ses gammes, comme Schaaf, dans les équipes de jeunes en tant qu’adjoint de Viktor Skripnik avant de rester dans son staff lorsque celui-ci a pris la tête de l’équipe première. Un joueur brêmois devenu entraîneur du club ? Cela rappelle bien évidemment d’agréables souvenirs et l’assurance d’une connaissance pleine du club. Pour le directeur sportif Franck Baumann, il n’y a pas de doutes sur le fait que Florian Kohfeldt sera l’entraîneur brêmois la saison prochaine, lui qui a un contrat allant jusqu’en 2023. «Nous avons toujours exprimé notre confiance en Florian, même dans les phases difficiles. Florian a montré dans une saison très difficile qu’il pouvait gérer de telles situations. Je suis toujours absolument convaincu par Flo. Il n’y a pas de questions pour moi”, a-t-il déclaré au Weser Kurier. Pour le Werderaner, “il va falloir revenir aux bases à Brême et les dirigeants ont l’air de l’avoir compris en voulant mettre l’accent sur la formation l’année prochaine”. Pour le mercato, c’est un chèque de 50 millions qui était prévu en cas de maintien. “Le mercato va se focaliser sur un attaquant, un remplaçant à Rashica et surtout un défenseur central de métier”, pense le Werderaner.

Le système de jeu doit également évoluer selon lui. “Le système à 5 a fini par être incorporé par les joueurs et bien mieux respecté en fin de saison. Cependant, le club ne peut pas évoluer dans ces conditions. Augustinsson et Gebre Selassie ont beaucoup donné et je pense qu’un retour à un 4-4-2 classique ou un 4-3-3 serait plus adéquat”. Il salue le risque pris par la direction d’avoir conservé Kohfeldt malgré les mauvais résultats. “Le vestiaire n’a jamais douté du coach et c’est aussi le cas de la direction. Le Werder est maintenu aussi grâce à ce risque”.


Reste à savoir si le Werder Bremen et son entraîneur sauront retenir les leçons de cette saison catastrophique et rebondir ou si celle-ci est le signe annoncé d’une descente aux enfers. Quoiqu’il en soit, ce Traditionsverein (“club traditionnel”) entamera début septembre sa 57ème saison en Bundesliga, plus que tout autre club allemand, sa 40ème consécutive. 

Nicolas Mudry

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