FootballL'humeur de la rédac'

Contre la Coupe du monde au Qatar, ne restons pas spectateurs !

Déni.

On se souviendra de ce samedi 13 novembre 2021 comme d’un soir heureux pour le football français. Un soir rendant hommage aux victimes des terrasses, du Bataclan et du Stade de France, six ans plus tôt. Un soir mettant en lumière les talents offensifs de notre chère sélection, ponctué d’un score sans appel : 8-0. Au Parc des Princes, la fête a été folle et les Bleus ont décroché leur billet pour la Coupe du Monde au Qatar. 

Pourtant, au coup de sifflet final, alors que les joueurs entreprennent un tour d’honneur, mon âme d’enfant n’est plus qu’un lointain souvenir. Oublié ce moment où je découvre, incrédule, le coup de boule de Zizou. Cet instant où je prends conscience, innocemment, que les Bleus ne descendront pas du bus. Cette parenthèse où je réalise, insouciant, que l’on est champions du monde. Des moments de football bruts, dénués de toute logique marchande. Du sport, rien que du sport.

Le lendemain de la victoire, les grands médias savourent une qualification acquise avec la manière. Les joueurs inondent leurs réseaux sociaux de photos enjouées. Pas un seul ne prend position contre cet événement, il y a peu, conspué. Le déni s’enracine… L’entrainement de décrassage se déroule à Clairefontaine sous le regard de dizaines d’enfants émerveillés face à leurs idoles. Seulement, savent-ils que les Bleus s’envoleront, dans moins d’un an, pour un pays méprisant les droits humains ? Bien loin du rêve de gosse.

Car, avec ce Mondial version Qatar, il ne s’agit plus uniquement de football. On parle de vies sacrifiées. De familles à jamais détruites par la construction de grands stades censés accueillir la reine des compétitions. Une catastrophe environnementale. Un désastre humain. Et nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas prévenus…

6.500 ouvriers immigrés seraient morts sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar.

Selon les révélations du quotidien britannique The Guardian en février 2020.

Fin février 2020, le quotidien The Guardian alertait sur le sort réservé aux travailleurs étrangers au sein de ce petit État gazier. En compilant une série de données récoltées par les gouvernements sri-lankais, indien, pakistanais, népalais et bangladais, le journal britannique révélait que près de 6.500 ouvriers immigrés étaient morts sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. Une estimation basse puisque les statistiques concernant les ouvriers kenyans et philippins restaient inaccessibles. La réponse de Doha ? Nier en bloc ces accusations et opposer un chiffre largement minoré : 37 morts comptabilisés dont 34 non comptés comme étant des « accidents du travail ». Spectacle affligeant.

Quelques semaines plus tard, la campagne de sensibilisation réalisée par des ONG telles qu’Amnesty International semblait porter ses fruits. La fin du mois de mars 2020 marquait le début des matchs de qualification pour la Coupe du monde 2022 et, à cette occasion, les sélections suédoises, allemandes ou hollandaises prenaient le parti de dénoncer l’exploitation des travailleurs en arborant des tee-shirts au message clair : « Human Rights ».

Mais depuis, plus rien. Ou du moins pas grand chose… La Norvège semblait avoir décidé de se poser en précurseur du combat contre la Coupe du monde au Qatar, évoquant un boycott de la compétition. C’était sans compter sur un vote de la fédération norvégienne. Réunis en congrès extraordinaire, 489 délégués ont confirmé à la majorité « une motion excluant un boycott ». Un pétard mouillé.

Comme un symbole, samedi soir, les Bleus ont obtenu leur qualification au Parc des Princes, vitrine du pouvoir qatari en France depuis son arrivée aux manettes du PSG en 2011. En marge de la soirée, le groupe de supporters des Irrésistibles Français a déployé une banderole dénonçant la volonté de la FIFA d’organiser une Coupe du monde tous les deux ans. Les premiers intéressés ont censuré très rapidement la banderole afin d’éviter toute diffusion du message. À cela s’ajoute une énième décision aberrante de la FIFA imposant aux sélections nationales qualifiées de commencer la préparation avec leurs joueurs uniquement sept jours avant le début de la compétition. Le tout dans un calendrier infernal valorisant l’abondance plutôt que la rareté, l’usure au détriment de la santé des joueurs. En bref, la quantité aux dépens de la qualité. Un argument de plus – s’il en fallait encore – pour exécrer cet événement.

365 jours, cela parait si près. Il est pourtant encore temps d’agir : « l’espoir fait vivre », comme dirait l’autre.

Depuis quelques jours, la parole se libère. Le collectif français « Maquis Alsace-Lorraine » se prépare à une action d’envergure afin d’interpeller l’Équipe de France, dans l’objectif d’encourager son boycott. Dans le même temps, la Fédération danoise a annoncé, à la suite de sa qualification, une série de dix mesures visant à dénoncer la violation des droits humains constatée au Qatar. Parmi les actions imaginées, le retrait de tous les sponsors présents sur le maillot de l’équipe nationale au profit de messages forts en faveur des droits humains. Une piste de réflexion qui a le mérite d’exister et qui en appelle à d’autres.

Ne restons pas spectateurs. Ôtons nos oeillères et sentons-nous concernés. Cela commence par les acteurs en première ligne : les fédérations et les joueurs. Mais cela passe aussi par nous – en tant que médias – et avant tout supporters de football. Refusons de couvrir un événement empreint d’indignité. Usons de nos responsabilités pour ne pas avoir à se souvenir longtemps de ce 13 novembre 2021 comme étant le début de la fin. Mobilisons-nous. Pour que cette qualification ne nous octroie pas un ticket synonyme d’aller sans retour vers  la honte.

Dans un an pile, j’espère pouvoir être fier… Fier de supporter une équipe qui aura dit non à la possibilité de jouer au football sur un cimetière.

Hugo FORQUES.
@_lafork_
Illustration : Romane Beaudoin.

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