Illustration : Romane Beaudouin
Illustration : Romane Beaudouin
La semaine de la jeunesse

“Ça match au zénith !” réouvre les portes du zénith au profit de la jeunesse parisienne

Il était temps ! Le zénith de Paris a rouvert ses portes pour la première fois depuis début 2020, avec un évènement à la faveur des jeunes issus des quartiers parisiens défavorisés. Ils étaient près de 200 le 26 mai à fouler les marches des gradins, se rencontrer, s’amuser et danser. Reportage de cette journée multi vitaminée.


La salle est plongée dans le silence, l’écran géant à droite de la scène, lui, s’anime. Un visage apparaît : celui de Vikash Dhorasoo. Souriant, curieux de ce qui l’attend, l’ancien international français qui n’était pas présent à la “grande messe” de Tatane va se plier pourtant au jeu des questions réponses. 
Dans les gradins, environ 200 paires d’yeux d’enfants découvrent l’homme barbu, qui parle plus à la génération de leur parent qu’à la leur.

Jimmy* et Victor* non plus ne le connaissaient pas avant de le rencontrer, pour de vrai eux. Ces deux jeunes issus du centre éducatif d’Epinay-sur-Seine ont été choisis pour rencontrer cette star retraitée du ballon rond et s’exercer pour la première fois à l’exercice parfois impressionnant de l’interview. « C’était sympa, j’ai essayé une fois, mais je ne pense pas que je le referai » répond sérieusement Victor quand on lui demande si cela lui a plu. 

Ces deux jeunes de nature réservée comptaient parmi les nombreux invités du Zénith de Paris ce mercredi 26 mai dernier, pour le premier événement public depuis la fermeture de la salle le 8 mars 2020.

Ça match au zénith ! c’était le pari de l’association Tatane du premier semestre de 2021, en collaboration avec l’association de prévention du site de la Villette (APSV). Tournée vers la jeunesse populaire, Tatane est un véritable acteur de l’éducation des adolescents des quartiers prioritaires de Paris et ses alentours. Créée en 2012, son ambition première est de diffuser “un football joyeux et populaire, créer du lien social et encourager la mixité” et tout cela en passant au quotidien par des ateliers sur le terrain, à la rencontre des premiers concernés : les jeunes. 

Stars d’un jour

Alors quand l’occasion de célébrer le football à grande ampleur a pointé le bout de son nez, Mathieu Pradel, le président de Tatane n’a pas hésité, et Lily Fisher, la directrice du zénith de Paris qui a accueilli l’évènement, non plus. « Avec l’APSV nous cherchions à mener des projets tournés vers le sport pour embarquer dans le train de Paris 2024. Et ouvrir aux jeunes un lieu de culture qui ne leur est pas forcément accessible d’habitude, ça nous plaisait » conte Lily Fisher. 

Et pour recevoir la récompense des efforts fournis pour l’organisation, il suffit de se tourner vers le visage des enfants qui passent la porte d’entrée du lieu où leurs plus grandes idoles se sont déjà reproduit. « Les petites filles de chez nous rêvaient de ce lieu mythique » confirme Aurélie, animatrice du centre de loisirs Colette Magny, Paris 19ème. 

Un zénith à soi.

Pour les garçons les plus grands, c’est l’entrée dans la fosse qui les a envoûtés. Filmés à la manière de leur équipe favorite qui passe du tunnel à la pelouse du Stade de France par leur éducateur, ils ont tous le menton levé et le torse bombé de fierté. Certains encouragent même le peu de personnes assises dans les gradins à les applaudir comme il se doit. Et ils ne savent pas ce que la suite leur réserve …

Au menu ce mercredi après-midi, divers ateliers manuels et sportifs et une projection des ateliers déjà réalisés, comme l’interview de Dhorasoo. À chacun son créneau, les membres du zénith, de Tatane et de l’APSV sont là pour accompagner chaque groupe à son activité. 

Dans les couloirs de la salle de concert, sous les gradins, on peut aussi bien entendre pester contre la console, que le crissement du sol sous les pas de hip-hop, mais tout autant la presse qui sert à customiser les maillots des participants. En effet, Tatane en a prévu pour tous les goûts ! Deux PlayStations sont à disposition pour des parties de Fifa deux contre deux endiablées, avec des règles qui sont propres à l’association. 

Joue-la comme Neymar

L’esprit Tatane, c’est toujours la petite règle en plus, qui peut changer le cours d’une partie. Et on retrouve cette particularité sur les très prisés terrains de foot installés dans la fosse. Quatre cages, deux terrains tracés au scotch, des chasubles, des règles insolites : voici la recette pour rendre les ados heureux. Ça se bouscule à ce stand, ça négocie pour avoir des parties en plus. C’est le temps fort de l’après-midi. 

« Pantin, à vous ! » appelle Kady, une éducatrice de Tatane qui supervise le coin foot. Ce jour-là, filles et garçons peuvent jouer ensemble, pas question de laisser quelqu’un de côté. Certaines petites sont un peu intimidées lorsqu’elles se retrouvent seules face à des garçons, mais d’autres prennent vite le coup. Et mener l’équipe, finalement ça leur va bien ! 

En fin de journée, on présente à l’ensemble des personnes présentes les dessins réalisés par les jeunes de l’association Bal’L de Romainville. L’occasion pour eux de s’exprimer au micro de la salle parisienne, et de commenter leur travail dirigé par Yassin Latrache, dessinateur de presse nantais. « Ouais, là j’ai voulu dessiner Neymar, mais vas-y il est trop bizarre » se justifie le premier à voir sa figure sur l’écran. « Moi j’ai dessiné le maillot de Manchester United, mon club de cœur. J’allais signer là bas, mais blessure tu connais » s’amuse Ryan qui lui non plus, n’a pas laissé échapper son heure de gloire.

Let’s dance !

En clotûre, tout le monde s’est rassemblé devant la scène où les deux danseurs de hip-hop missionnés pour la journée ont offert une représentation. Une première depuis des mois. Ils ont ensuite motivé toute la troupe à reproduire leur mouvement, ce qui a donné un beau moment de communion et de fête. À voir le sourire de tout le monde, une chose est sûre : le défi est relevé ! Le foot comme vecteur de socialisation : ce n’est plus à prouver, ça match !

(* : Les prénoms ont été modifié)

Ana Gressier

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