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Vive la République, vive la Coupe de France

L’amateur de rugby qu’est notre Premier ministre a fait part mercredi sur RMC de ses doutes sur la tenue de la Coupe de France 2020-2021. Encore en pleine digestion de nos repas de Noël, la Coupe est pourtant l’occasion de revoir notre équipe chérie après les vacances. En plus du ski, de quoi de plus allons-nous être privés cette année ?


De notre envie sanguinaire de voir David battre Goliath

Couper la tête d’un roi ne nous a semble-t-il pas suffi à nous, républicains français. L’envie de voir tomber le favori, de le voir souffrir nous anime tout au long de cette compétition. Cela tombe bien, la Coupe est France est la méritocratie républicaine par excellence, au moyen de son tirage au sort presque intégral, rarissime aujourd’hui. Après avoir fait l’objet d’une dizaine de reportages sur France 3 Régions, le petit poucet jouera crânement sa chance face au gros. Et s’il peut battre le PSG, « sah quel plaisir » dans une France qui ne demande qu’à voir le David « provincial » faire tomber le Goliath parisien. C’était déjà le cas au temps du Jérôme Rothen avec un PSG pourtant dans les bas-fonds de la Ligue 1.    

Des bières de stade qui ne coûtent pas le prix d’une pinte à Paris

Plus encore, la Coupe de France doit être, bien qu’elle ne le soit malheureusement pas toujours, la rencontre du monde professionnel et du monde amateur. « La Coupe de France est une fête » pourrait écrire Hemingway. Même si les clubs amateurs ont tendance à vouloir délocaliser pour pouvoir optimiser cette formidable occasion de recettes, la compétition est une occasion de pénétrer des arènes sportives chaleureuses, plus accessibles, sans touristes et footix pour se délecter du spectacle de joueurs professionnels en train de douiller. Alors que le spectre d’une ligue fermée européenne plane plus que jamais sur nos footballs nationaux, la Coupe de France demeure la chasse gardée de la si précieuse glorieuse incertitude du sport que l’ECA et l’UEFA vouent aux gémonies.

D’un énième rappel que le foot nous vient d’outre-Manche

Prenant autant de recul qu’une caméra Canal+, nous découvrons que la tradition d’une coupe nationale n’est pas de chez nous. « Messieurs les Anglais, tirez les premiers », as usual. La Coupe de France est une transposition symptomatique de l’anglophilie de l’époque, une tradition « importée » comme l’écrit Paul Dietschy dans Histoire du football. En effet, à contre-courant d’un football jusqu’ici élitaire, la Football Association lance la Cup en 1871. Lorsque les mœurs des classes dites « laborieuses » se civilisent dans les stades, le roi George V se rend même à la finale de 1914, afin de renvoyer une image de consensus national et de pacification sociale. La Cup devient une fête de la couronne. Un joyau de plus.

D’une leçon d’histoire sur la France de 1917

Enfin fixée sur son régime politique après un siècle d’instabilité, la France regarde ce qu’il se fait outre-Manche. Elle ne voit pas d’un mauvais œil l’occasion d’inventer une tradition républicaine. Le PSG a remporté la 100e édition de la Coupe de France en 2017 face à Angers. La première édition a ainsi lieu en pleine Grande Guerre. La compétition est politiquement et historiquement chargée. Elle marque l’atteinte d’une laborieuse entente entre courants cléricaux et républicains entre les différentes associations revendiquant le monopole du football légitime. Le difficile consensus républicain, déjà.  

Enfin, d’une célébration républicaine en mai au Stade de France

Cette fête nationale du football français devient à partir de 1927, avec Gaston Doumergue, l’occasion de se montrer en public pour le chef de l’État. Tout l’attirail républicain, parfois aussi ridicule que celui de Monsieur Jourdain, est déployé : stade aux couleurs du drapeau, présentation des joueurs au président (pour constater la culture foot du regretté Chirac), fanfare jouant l’hymne national (sifflé par nos amis corses du Sporting). Peut-être risible et hors du temps, le cérémonial républicain nous évite d’avoir Maître Gims en show d’avant-match comme en (feu) Coupe de la Ligue.  

« Les chèvres de M. Seguin sont certes condamnées à être mangées. Mais en Coupe de France, il est des chèvres qui mettent en déroute plusieurs gros loups avant d’abaisser leurs cornes et de toucher de leur barbichette l’herbe du pré » peut-on lire dans le Livre d’or de la Coupe de France.  Alors, la Coupe de France va-t-elle vous manquer ? Moi oui.


Images : OneFootball/Imago

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