Lors de l’été 1936, un match de football pour le moins original a lieu sur la mythique Place Rouge de Moscou. Au départ symbolique, il va participer par la suite au développement du ballon rond au pays des Tsars.
Alors que le sport se démocratise de plus en plus au cœur des années 1920, le football lui commence sa professionnalisation. En Autriche et en Tchécoslovaquie d’abord, puis en France et en Espagne ensuite, les premiers championnats professionnels naissent. Dans l’URSS de Staline, d’abord considéré comme un sport bourgeois, le football est ensuite rapidement adopté par la population. Ce sont par exemple les frères Starostine qui fondent le Spartak Moscou en 1922, mais surtout le Parti Communiste qui comprend rapidement l’importance de ce sport, en mettant sa main dans l’organisation de nombreux clubs.
Alexandre Kossarev, patron du Komsomol (le nom courant de l’organisation des Jeunesses du Parti communiste) et proche des frères Starostine participe à l’implantation du football en URSS. Au cœur de l’appareil étatique, c’est à travers une idée assez originale qu’il va promouvoir le spectacle du ballon rond.
ÉVITER À STALINE DE SE DÉPLACER
Durant l’été 1936, le chef du Komsomol propose aux dirigeants du Kremlin d’organiser un match de football sur la Place Rouge. L’objectif derrière ce projet, présenter le spectacle sportif qu’offre un match de football, devant les plus hauts représentants du Parti Communiste de l’époque, et surtout Staline, sans obliger le petit père des peuples à se rendre directement au stade.
Le match a lieu à l’occasion du « Jour de la Culture Physique et du Sport ». Pour concrétiser cette idée, Kossarev lance avec de nombreux membres du Spartak, la fabrication d’un tapis vert de plus de 8000 m², qui sera dérouler sur la place le matin même du match.
Cette confrontation doit, dans un premier temps, opposer les deux plus grandes équipes du moment : le Dinamo et le Spartak. Mais ce sont finalement deux équipes spartakistes qui s’affrontent, l’une en rouge l’autre en blanc. Malgré cette pelouse éphémère cousue sur mesure pour l’occasion, le terrain n’est pas classique, et les pavés qui jonchent habituellement la Place laissent des hématomes sur les corps des joueurs. La rencontre n’est pas comme les autres, les joueurs s’évitent, s’observent, le scénario du match étant écrit à l’avance. Comme prévu, les rouges l’emportent 4-3, mais le match qui devait ne durer qu’une trentaine de minutes, durera une mi-temps complète à la demande des dirigeants communistes.
Un pari gagnant pour Kossarev , qui voit Staline, souriant, applaudir les 22 acteurs à la fin de la partie. Simple anecdote en apparence, cet évènement est assez marquant dans l’implantation du football en URSS. Il offre la validation par le chef du Kremlin que le football peut prendre son envole sur le territoire, sans être considéré comme un sport bourgeois. Alors que le premier championnat soviétique a eu lieu quelques mois plus tôt, ce match confirme le succès du ballon rond dans la Mère Patrie.
