Malgré des performances remarquables en huitième et quart de finale, le Paris SG s’est logiquement incliné en demi-finale de Ligue des Champions face à Manchester City. À l’heure d’une finale, ode à la force collective entre les Cityzens et le Chelsea de Thomas Tuchel, remercié par le PSG il y a six mois, l’élimination des Parisiens souligne les limites d’un projet de jeu fondé sur des individualités fortes.
Une finale et une demi, en deux ans. Sur le papier, les différents parcours du Paris Saint Germain en ligue des Champions sont louables. Pas si facile de se retrouver dans le dernier carré de la C1 deux années consécutivement, au milieu des requins de la « Super League ». Et si d’aucuns voyaient quelques limites dans l’interprétation des exploits de la saison précédente, par son format notamment, les qualifications face au FC Barcelone et au Bayern Munich démontrent que les traumatismes du passé peuvent être surmontés. Dans le fond en revanche, difficile d’y voir des signes d’une réelle domination.
Interrogé après la victoire en quart de finale, Laurent Fournier, ex-entraineur du PSG expliquait « voir une solidarité et un groupe qui a envie de jouer ensemble. » À l’Allianz Arena puis au Parc des Princes au match retour, les protégés de Leonardo se sont appuyés sur un état d’esprit conquérant et une cohésion de groupe, trop souvent écrasés par les égos des superstars : « Neymar a été dans un état moral dans lequel il devrait toujours être : il a joué sans tricherie, sans autre plaisir que de vouloir marquer ou de faire marquer », constatait également Guy Roux.
Dépendance aux stars
Les prestations collectives réussies tiennent en partie à la volonté des deux vedettes donc, mais aussi à la physionomie des matchs. « Depuis plusieurs années, Paris s’est identifié à un style de jeu, analyse Mathieu Bodmer, ancien milieu de terrain du club de 2010 à 2013. Il est performant sur de la transition rapide, avec beaucoup d’espaces. Neymar à la baguette et Mbappé qui prend la profondeur. »
Et on l’a vu. Face à des équipes aussi protagonistes dans le jeu que le Bayern et le Barça, les joueurs de Mauricio Pochettino se sont retrouvés dans une configuration idéale pour exploiter des largesses défensives : « Ce sont des équipes qui attaquent et aiment dominer, parce que ces institutions n’aiment pas changer leur jeu », affirme l’ex consultant de la chaine Telefoot. Avec des défenses centrales un peu lentes, il y avait des espaces incroyables pour Mbappé, et sur 50 mètres c’est le meilleur joueur du monde en un contre un. »
Sur ces deux doubles confrontations, le Paris SG n’a jamais eu d’emprise dans le jeu. En témoigne, la possession de balle, nettement à l’avantage de ces adversaires sur chaque rencontre (47% au Camp Nou, le meilleur total sur les 4 rencontres) ou bien le nombre total de passes. À titre d’exemple, lors de la victoire à Munich, seulement 316 passes ont été tentées, contre 523 côté Allemand. Avec un jeu plus direct, plus rapide, le PSG a mis ses stars dans leurs registres préférentiels.
Ce style aussi prononcé et assumé est également à mettre au crédit du coach argentin. Arrivé cet hiver, Pochettino avait déjà amené Tottenham en finale de la Champions League en 2019, avec un jeu similaire. Andoni Zubizaretta, ex directeur sportif passé par l’OM, soulignait le mois dernier sa capacité d’analyse : « Son cheminement à Tottenham plaide pour lui. Dans un championnat dénué de calculs, il a compris que le cours d’un match pouvait basculer en un rien de temps. Il sait adapter le jeu de son équipe aux qualités de l’adversaire, sans renier ses principes. À Paris, il a vite analysé les forces de son effectif. Et il les utilise pleinement. »
Quelques minutes après la qualification en finale, sur le plateau de Sky Italia, Pep Guardiola le reconnaît : « avec des espaces, le PSG est 10 000 fois plus fort que nous. » Alors le technicien s’est ajusté en amont : « Ils ont décidé d’anesthésier le match, constate Mathieu Bodmer. D’abord en laissant la possession aux Parisiens, avec des lignes très resserrées.Puis avec le ballon sans être dangereux, mais en contrôlant le tempo. Ensuite dès qu’ils décident de jouer verticalement, avec Mahrez, Foden, De Bruyne ou Bernardo Silva, c’est précis et extrêmement dangereux. »
« Compliqué de construire avec deux joueurs médiatiquement hors normes »
Comme sur les deux buts inscrits à l’Etihad Stadium, où les Cityzens se sont retrouvés face à Keylor Navas en 3 passes. On pourrait y voir des faits de jeu, de la réussite, quand de l’autre côté Kylian Mbappé observe ses coéquipiers, convalescent. Mais ce qui en résulte est le fruit d’un travail méthodique et réfléchi pour l’ex-champion de France avec l’OL et le PSG : « Pep fait des investissements énormes mais il façonne son équipe. Ruben Dias a apporté l’équilibre qui lui manquait. Il réfléchit au puzzle et puis il a un vrai projet de jeu avec des joueurs qui adhèrent, donc adaptables aux demandes. » Une adhésion aux principes d’un entraîneur rendue possible par un investissement total et un intérêt collectif supérieur de la part des joueurs.
Arrivé sur le banc de Chelsea il y a seulement six mois, quelques jours après avoir été remercié par le PSG, Thomas Tuchel a ramené les Blues en finale de Champions League. Plus que la performance, la puissance collective dégagée par les Londoniens impressionne : « C’est le Tuchel de Dortmund, remarque le joueur formé à Caen. Au PSG, il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait : sortir certains joueurs, en faire jouer d’autres … C’est un peu politique, marketing. À Chelsea, il y a des investissements énormes mais il n’hésite pas à mettre sur le banc des joueurs chers. Ziyech, Havertz ne jouent pas tout le temps. Et on le laisse faire. Le système, la manière de jouer, c’est lui qui l’impose. Il a relancé un groupe, des individualités comme Rudiger et les mecs donnent tout pour lui. » Ce lien, avec les joueurs, il ne l’avait plus au PSG.
Lui qui disait « faire de la politique » dans son rôle d’entraîneur n’avait pas les clés nécessaires pour mettre en place cette méthode rigoureuse. Pour Mathieu Bodmer, cela s’explique autant par « les limites d’un effectif bancal avec des joueurs moyens » que par l’aura de ses deux vedettes. « C’est compliqué de construire avec deux joueurs médiatiquement hors-normes, presque au dessus de l’institution. Il y a beaucoup de pression sur le club. Un des soucis majeurs, c’est le manque de leaders. Contre Lille, City puis Rennes, ils finissent à 10. Quand le match ne part pas dans le bon sens, ils ne maitrisent pas leurs émotions. Et je ne parle pas techniquement, mais des mecs qui ont gagné des choses, capables de mettre les égos de côtés quand ça ne va pas, de faire avancer le bloc et mettre le pied sur le ballon. Quelqu’un comme Ibra, ou Thiago Silva à l’époque. »
À l’aube d’un bilan de saison bien terne, avec un seul titre, objectif secondaire en début de saison, le prochain mercato devrait permettre aux dirigeants parisiens de redéfinir les besoins de l’équipe. « Soit certains s’émancipent, soit il faudra aller chercher des joueurs de caractère, comme un Sergio Ramos. » Avec la prolongation de Neymar déjà actée, l’avenir de Kylian Mbappé cristallisera les attentes et définira la nouvelle orientation du PSG.
Maxence Besson