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PSG-Barcelone : Take me back to the night we met

L’historique remontada a soufflé sa quatrième bougie avant-hier, comme un symbole, deux jours avant l’acte II d’une revanche très attendue sur les bords de Seine. La gifle de 2017 rougit encore les joues parisiennes de douleur et de honte, et son funeste spectre plane sur le Parc des Princes. Alors, l’heure est venue pour le PSG d’exorciser ses vieux démons face à une équipe barcelonaise imprévisible et revancharde. Bis repetita ou fin du cauchemar ? Pas besoin d’attendre la notification de L’Équipe à 22h50, Caviar vous plonge, avant le lever de rideau, dans la fosse aux lions.


Avant-match

17h30 : Le bus parisien, après quelques bouchons sur le périph’, arrive aux abords de son stade, accueilli comme il se doit par ses supporters, fumigènes dans une main et Heineken dans l’autre. C’est le moment pour eux de s’époumoner puisque les grilles leur resteront tristement fermées.

17h41 : Les joueurs descendent du bus : costumes sur mesure, lunettes de soleil et Air Pods. Daniel Craig rend son rôle de 007 à Keylor Navas. Les sourires sont sincères, la pression n’est pas encore montée (ou déjà bue par les Ultras).

18h00 : Couvre-feu. N’en déplaise à Anne Hidalgo et aux centaines de supporters agglutinés devant l’enceinte.

18h03 : Les Barcelonais débarquent à leur tour, maté en main et reggaeton à fond. Pas de stress non plus pour la bande du Professeur Koeman qui a soigneusement planifié son hold-up. La Casa de Lionel.

18h05-20h35 : train-train habituel d’avant-match. Les joueurs revêtent leurs costumes de scènes, se font dorloter par les kinés puis vont tâter le ballon sous les acclamations… des sonos du Parc. Masterclass de l’ingé son, gratifié d’un 10 dans L’Équipe.

Entre temps, les deux tacticiens ont exposé leurs plans de jeu à leurs formations. Pas question de les attendre pour Pochettino, qui veut tuer dans l’œuf tout espoir de révolution espagnole en marquant dans le premier quart-d’heure. Son homologue batave rappelle à ses joueurs le 6-1 de 2017 et les exhorte à jouer libérés pour reproduire le miracle. Seul bémol : entre temps, un esthète brésilien est passé du côté obscur (son padawan Rafinha, titulaire avec le Barça en 2017, également). Au moins, le Ney est en tribune et ne martyrisera pas les reins fragiles de Busquets ce soir.

20h15 : Les compos tombent. Koeman reconduit son 3-5-2 avec Alba et Dest en pistons. Griezmann et Messi auront la charge de marquer les quatre buts nécessaires sur le front de l’attaque.

Côté Parisien, l’unique surprise provient de la titularisation de Draxler en compagnie d’Icardi et Mbappé dans le trident offensif. Verratti, Gueye et Paredes sont chargés de finir leur repas débuté en Catalogne en croquant Busquets, De Jong et Pedri dès l’entame.

20H40 : Après avoir échangé avec ses coéquipiers, Neymar prend place en tribune, très souriant (on aurait dit, sous son masque). Encore une fois, il n’est pas là au moment où il devrait et prie pour ne pas revivre la soirée face à Manchester, qu’il avait terminée en meme sur Twitter.

Neymar dépité après la débâcle contre Manchester United (3-1).

Première mi-temps

21h00 : Les acteurs entrent sur la pelouse sous la traditionnelle mélodie qui emplit le Parc. Il règne une odeur de poudre, l’odeur des grands matchs où l’impensable peut arriver. L’enfer des bookmakers.

21h06 : Les Franciliens sont partis en trombe et assiègent déjà les Catalans. Draxler, lancé par une gourmandise de Paredes, bute sur Ter Stegen, dans son style caractéristique plus proche de Thierry Omeyer que de Gigi Buffon.

21h13 : Paris domine outrageusement, tenant dans sa main une équipe barcelonaise encore au vestiaire. Sur une contre-attaque éclair, l’origine de l’odeur de poudre qui plane sur cette rencontre est identifiée : il s’agit d’un coup de Grizou. Un pétard tiré par la patte gauche du canonnier français vient faire exploser les filets d’un impuissant Keylor Navas, dommage collatéral. L’espoir renaît, la peur revient : sentiments mitigés sur les deux bancs.

21h24 : Paris a repris sa marche en avant mais se montre incroyablement perméable sur contre-attaques. Petit Hibou sort du bois et tronçonne, au métier, le jeune Pedri. Faute intelligente mais biscotte pour le bûcheron Verratti.

21h44 : Paris a la possession mais n’a cadré qu’une frappe à la 6ème. Mbappé joue à l’envers, Icardi n’a touché que onze ballons et Draxler semble perdu. Un trident peu tranchant. Pas d’inquiétude, le Barça reste à trois buts de l’exploit.

21h45 : Premier corner pour les Blaugrana, Kimpembe repousse de la tête mais De Jong reprend directement sur le bras légèrement décollé de Marquinhos. Anthony Taylor siffle immédiatement. Les Parisiens se ruent sur l’arbitre anglais et le sang latin de Verratti ne fait qu’un tour. Un mot plus haut que l’autre et l’Italien prend son second jaune. Le penalty est confirmé, puis transformé implacablement par Messi.

La tchatche à l’Italienne.

21h46 : Thomas Meunier tweete « Pas encore… » et se fait copieusement insulter par ses anciens supporters.

21h47 : Retour au vestiaire. Paris est mené 2-0 et jouera à 10 le second acte. Les signes avant-coureurs d’un énième cauchemar sont réunis. Dans le vestiaire d’en face, c’est l’extase : le pari de Koeman est une réussite.

21h50 : Le Hollandais sert à ses troupes un discours emprunté à un illustre tacticien savoyard : « Y’a plus qu’a manger, le couvert est dressé ». Le vestiaire adhère, le groupe vit bien, l’autoroute des quarts n’est plus qu’à deux pions.

21h51 : Alors que Verratti est à la douche, Pochettino la joue calme et rappelle que le score ne représente pas la physionomie du match et que ses joueurs ont les armes pour revenir. Pas de mention de la remontada, de peur de froisser Abdou Diallo. Exit Gueye et Draxler, remplacés par Rafinha et Herrera dès la pause.

Seconde mi-temps

22h01 : Retour des artistes pour le second acte d’un ballet endiablé.

22h12 : Encore une fois, Paris tient le ballon mais parvient enfin à se montrer dangereux. Marquinhos, malheureux sur le penalty, catapulte sur corner un coup de casque supersonique qui secoue la transversale de Ter Stegen. Le bruit retentit jusqu’au Trocadéro. Avertissement sans frais pour l’arrière-garde blaugrana.

22h15 : Nouveau coup de pied de coin, nouveau coup de casque, cette fois c’est le titi Kimpembe qui s’y colle, avec plus de réussite que son comparse auriverde. Les filets tremblent et Paris tout entier pousse, comme un seul homme, un soupir de soulagement.

22h28 : Koeman joue son va-tout : les pistons Dest et Alba sont suppléés par Martin Braithwaite et Ousmane « Tranquilo » Dembélé.

22h29 : Di Maria, entré à la place d’Icardi, lance la fusée Mbappé en profondeur. Au duel avec Umtiti, le natif de Bondy profite du claquage au mollet du Barcelonais, fauché en pleine course, pour s’en aller, seul, se rappeler au bon souvenir de Ter Stegen. 2-2, 74ème minute : le match est plié.

22h44 : Les Catalans n’y croient plus. Pochettino fait entrer Kehrer, juste pour dire bonjour.

22h47 : Anthony Taylor pousse les trois coups de sifflet fatidiques. Paris s’est fait peur mais Paris est en vie. Paris est en quart (6-3 au cumul). Paris est magique, mais Paris n’a pas gommé complètement ses mauvaises habitudes. Présent dans toutes les bouches à la mi-temps le mot « remontada » est remis aux oubliettes. Du moins jusqu’au quart de finale…

22h48 : Mohamed Bouhafsi attrape au vol un Kylian Mbappé heureux et soulagé, qui évoque pour la première fois le traumatisme de 2017 : “On savait qu’ils y croyaient après la remontada, qu’ils savaient que c’était possible. Le plan était de marquer vite pour se mettre à l’abri. Au final, on s’est fait peur mais c’est passé, c’est le plus important” . Légère déception du génie français qui n’a que partiellement répondu au doublé du cyborg Haaland hier soir.

22h49 : Sergi Roberto s’arrête également au micro de RMC Sport. Une touche de déception, une pincée d’espoirs envolés, saupoudrés de seum à la Belge : le Barça s’est pris les pieds dans le plat. Sergi passe de héros de 2017 à zéro.

23h10 : La conférence de presse commence. Koeman est livide, tout le monde s’en doute mais le couperet tombera le lendemain : le Batave est remercié. Pour sa dernière joute médiatique, il paraît à court de solutions, à court d’explications. La fin d’un cycle.
Atmosphère aux antipodes chez les locaux. Tout le monde est soulagé et peut maintenant s’adonner aux rêves les plus ambitieux. Le chemin reste long, mais voilà peut-être (enfin) leur année. Réponse le 7 avril.

Cyprien Juilhard

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