Nicolas Plestan
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Nicolas Plestan : « Toujours bien d’aider les gens qui en ont besoin sur une belle cause »

Neuf ans après avoir raccroché les crampons, Nicolas Plestan (38 ans) revient sur sa carrière pour Caviar. L’ancien défenseur du LOSC, qui a créé sa marque de sandales, explique aussi sa reconversion et son engagement en faveur de la protection des tortues de mer.


Racontez-nous vos débuts à Monaco, où vous avez été formé.

J’ai signé mon premier contrat pro avec Monaco. Avant que Claude Puel se fasse débarquer, le plan était que je puisse jouer à l’ASM. On m’a un peu forcé la main pour que j’aille à Ajaccio (il a été prêté à l’ACA en 2001, ndlr). Au départ, je ne devais pas y aller. Ne pas avoir pu jouer avec l’équipe première à Monaco, ça reste un regret, c’est sûr.

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Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre Lille en 2003 ?

C’est Claude Puel, tout simplement. Il me connaissait très bien puisqu’il m’avait suivi durant ma formation. Il me connaissait, il connaissait mes qualités. J’étais encore jeune, il m’a laissé le temps, pendant six mois, pour que je reprenne physiquement puisque je m’étais fait opérer d’une pubalgie durant ma dernière année à Monaco. On a fait ce travail et petit à petit, j’ai pris ma place.

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Avec le LOSC, vous avez connu de grandes soirées européennes et terminé 2e et 3e de Ligue 1. Vous en gardez de beaux souvenirs ?

Oui, c’était exceptionnel. Surtout qu’en plus, il y avait une super ambiance dans le groupe. On avait tous de très bonnes relations, on était plus que des collègues. C’était vraiment exceptionnel. On était une bande de potes. On n’était pas tous amis mais il y avait beaucoup de respect entre chacun, on prenait plaisir à se retrouver tous les matins à l’entraînement, à faire les matchs de Coupe d’Europe ou de championnat. On savait qu’on était entre nous, il y avait une très bonne ambiance.

Nicolas Plestan, célébrant ici un but avec son coéquipier Stephan Lichtsteiner, a joué 144 rencontres sous le maillot lillois de 2003 à 2010.

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Quel est votre plus beau souvenir européen avec Lille ?

C’est la victoire 2-0 à Milan (en décembre 2006, ndlr). On bat le Milan qui gagnera la compétition et ça nous permet de nous qualifier en huitièmes.

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En huitièmes, justement, vous êtes éliminés par Manchester United. Y avait-il la place pour se qualifier selon vous ?

Je pense, ouais. Je pense que si on avait été arbitrés différemment à l’aller, on aurait pu passer. On se rappelle qu’un but nous est refusé pour, soi-disant, une faute d’Odemwingie sur Vidic, alors qu’il n’y a rien du tout. Ça aurait fait 1-0 pour nous. Et après, il y a le fameux coup franc de Giggs. L’arbitre n’a pas sifflé, Tony Sylva est au poteau, nous dans le mur, et Giggs tire sans attendre le coup de sifflet. Ça fait 1-0 à l’aller et au retour, on perd juste 1-0, sur un but de Larsson. Mais au retour, on n’avait pas fait un match fabuleux.

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Comment aborde-t-on ce genre de matchs face à une équipe ultra-armée sur le plan offensif ?

Ce sont des matchs qu’on aime. On préfère jouer des matchs comme ça, contre certains des meilleurs attaquants du monde. C’est ça qu’on aime. Plus on est sollicités, mieux c’est ! En tant que défenseur, je préfère les matchs comme ça, où on a du boulot, où il faut être solide, ça permet aussi à nos offensifs d’avoir confiance pour attaquer et montrer qu’on est là, qu’on peut être offensif avec le ballon parce que derrière on est costauds. Chaque match de Ligue des Champions, c’est un vrai défi.

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Vous avez également subi des éliminations en huitièmes de finale de la C3, contre Auxerre en 2005, Séville en 2006 et Liverpool en 2010. Y en a-t-il une qui vous laisse des regrets ?

Oui, Auxerre. On avait éliminé le Zénith avant, je pense qu’on aurait dû passer. Séville, non, ils étaient au-dessus sur la double confrontation. Même si on avait gagné 1-0 à l’aller, sur le deuxième match, on est vite à dix, Mathieu Bodmer prend un carton rouge assez rapidement et on avait été en souffrance. Mais bon, à l’époque, je pense que les gens ne se sont pas trop rendus compte de ce qu’on a fait. On était pratiquement en Coupe d’Europe chaque année, et on passait les poules presque tout le temps. La première année où on ne sort pas des poules, on est quand même troisièmes et on est reversés en Coupe UEFA. Aujourd’hui, ce n’est pas la même chose…

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Vous êtes parti de Lille un an avant le doublé Coupe de France – championnat de 2011. Ça ne vous a pas laissé de regret ?

Non, pas du tout. Absolument pas. J’avais besoin d’autre chose, le groupe avait quand même changé. Pour moi, l’ambiance n’était plus la même qu’à l’époque. C’était vraiment le moment pour moi de partir. Je suis parti à Schalke 04, qui n’est pas n’importe quel club. Ce n’est pas n’importe quel championnat. Cette année-là, il faut aussi noter que je joue avec Neuer, Raul, Huntelaar, Farfan, Rakitic… C’était un cran au-dessus. J’ai eu cette opportunité-là et je l‘ai saisie. On fait quand même demi-finale de la Ligue des Champions cette année-là où encore une fois, on se fait éliminer par Manchester.

L’effectif XXL de Schalke 04 en 2010-2011. Au troisième rang, Nicolas Plestan est quatrième en partant de la droite, juste à côté de Klaas-Jan Huntelaar.

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Comment avez-vous vécu cette expérience d’un an en Allemagne ?

C’était difficile parce que j’étais le seul qui parlait français. On passe d’un vestiaire de Ligue 1, où tout le monde parle français, à un vestiaire de stars avec dix nationalités différentes. Personne ne parlait français. Il y avait pas mal d’Espagnols et je ne parlais pas espagnol. C’était un peu compliqué mais c’était une super expérience. Déjà, être recruté par un coach, Felix Magath, qui est très, très difficile mais qui avait entraîné le Bayern Münich, qui avait été champion d’Allemagne avec le Bayern et avec Wolfsburg, c’est une fierté. Le coach connaît le football et si vous êtes recruté, c’est que vous avez les qualités pour. Je suis arrivé, j’ai joué d’entrée, puis j’ai eu la mononucléose. Ça m’a mis par terre pendant trois mois et demi. Ça m’a freiné dans ma progression et derrière, il y avait des clients comme Howedes, Metzelder, Matip. Quand vous sortez, c’est compliqué de retrouver votre place, surtout quand vous n’êtes plus là pendant trois moi et demi.

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Pourquoi avez-vous arrêté votre carrière aussi tôt, à seulement 30 ans ?

J’en avais marre. Je voulais une autre vie. Je suis parti de chez moi à tout juste 14 ans pour le centre de formation. Il y a de la pression, même si on ne la calcule pas trop à cet âge-là parce qu’on est un peu insouciant. La pression des coachs pour progresser et pour être bon le week-end, elle est toujours là. J’avais vraiment envie de passer à autre chose. 30 ans, c’est très bien. J’avais très mal à ma cheville aussi, qui avait été mal soignée par le docteur Le Gall, l’ancien docteur du LOSC. Il m’a peut-être enlevé deux ans de carrière on va dire. Mais bon voilà, c’était un tout. Le milieu commençait à changer. Pas tant à Schalke, parce que c’était autre chose, mais je sentais que ça commençait à changer un peu. Il y avait beaucoup d’intérêt pour les médias, pour la lumière, ce qui n’a jamais été trop mon truc.

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Vous étiez pourtant encore sous contrat avec Schalke, et vous auriez pu signer à Evian ou Everton.

J’avais discuté avec Evian et franchement, après, ça ne devenait que financier. J’ai discuté, on m’avait dit certaines choses et derrière, ça n’avait pas été ça dans les propositions qu’ils ont pu me faire donc j’ai préféré arrêter de suite les discussions. Je n’avais pas envie de toute façon. Everton, comme je n’étais plus sous contrat, c’était arrivé un peu plus tard. J’aurais pu signer deux ans, aux mêmes conditions qu’en Allemagne. Mais j’étais en train de faire construire une maison en Asie, c’était trop tard. Je n’avais plus envie.

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Vous êtes allé vivre plusieurs années en Thaïlande après la fin de votre carrière. Vous aviez besoin de changer d’environnement ?

Non, pas du tout. J’allais souvent en vacances là-bas, à Koh Samui, et j’ai décidé de faire construire une maison. J’avais juste envie d’avoir un pied à terre là-bas, c’était un kiff d’aller vivre à l’étranger, dans un pays où il fait chaud, où il y a la mer. C’était un autre projet de vie.

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C’est comment la vie en Thaïlande ?

Koh Samui, c’est une île, ça ne reflète pas forcément la réalité de la vie en Thaïlande, mais c’est très agréable, c’est sûr. Vous avez de beaux hôtels, des plages magnifiques… Vous avez tout.

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C’est là-bas que vous avez rencontré les tortues de mer ?

Ouais, c’est là-bas, on peut dire ça. C’est là-bas où l’idée pour les sandales a commencé à germer puisque je n’en trouvais pas qui me plaisaient réellement. Donc je me suis dit que j’allais essayer de me lancer.

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Votre marque de sandales s’appelle Payukan. Ce nom a-t-il une signification ?

Ça veut dire tortue de mer dans un dialecte philippin.

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Les tortues sont donc omniprésentes dans ce projet ?

Oui ! Le logo, c’est un tatouage que j’ai et qui représente une tortue. En plus, avec ma femme, on fait de la plongée sous-marine donc c’était un clin d’œil à tout ça.

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Qu’est-ce qui vous a touché dans la cause des tortues de mer ?

C’est un animal en voie de disparition en Thaïlande. On fait de la plongée sous-marine, et c’est magnifique à voir. Au début, on faisait un don pour chaque paire de sandales achetée mais désormais, chaque année, je vais sur place, au-dessus de Phuket, à Khao Lak, et on verse en direct une somme d’argent pour aider à la sauvegarde des tortues de mer en Thaïlande.

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La protection de l’environnement était déjà importante pour vous avant de vivre en Thaïlande ?

Pas tellement. Soyons clair : il y a cinq ans, pas grand monde ne s’en souciait quand même. Maintenant, avec tout ce qui se passe, c’est obligatoire. Koh Samui, c’est une île où on a tout le temps les pieds dans l’eau, où on fait pas mal de plongée sous-marine, où on est au courant des difficultés. Je trouvais que c’était un clin d’œil. C’est toujours bien d’aider les gens qui en ont besoin sur une belle cause. Les Thaïlandais qui se battent tous les jours pour qu’il y ait plus de tortues, qu’elles puissent retourner dans la mer et tout, c’est important. C’est important de les aider.

Nicolas Plestan a choisi de contribuer à la préservation des tortues de mer en Thaïlande.

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Vous êtes content du développement de ce projet ?

On est en difficulté là avec tout ce qui se passe. En ce moment, on est un peu à la croisée des chemins. Il y a des réflexions à mener, des choix à faire. On a quand même vendu pas loin de 4 000 paires, uniquement sur internet, en mettant assez peu de moyens dans le marketing. On fait tout pour que ça marche et que ça continue, mais c’est compliqué en ce moment. Après, j’ai Payukan mais mon activité principale, c’est mon immobilier. J’ai investi dans l’immobilier quand je jouais et c’est ça, mes revenus tous les mois. Payukan, c’était quelque chose à côté, d’un peu plus fun.

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Vous avez également été conseiller de joueurs ?

Je l’ai été, très brièvement. C’était pour faire signer un joueur en Ligue 1. On m’avait demandé un coup de main.

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Et vous n’avez pas souhaité continuer dans cette voie ?

Ah non, c’est une horreur. Ce n’est pas du football. Il n’y a absolument rien qui me plaît. C’est un truc de requins. Tous ces agents, il y en a très peu qui ont tapé dans un ballon. C’est une horreur. J’en ai fait un, et voilà. On m’a relancé, mais j’ai dit non. Pas possible. Sincèrement, ça ne me plaît pas.

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Le football ne vous manque pas aujourd’hui ?

Non, pas du tout. Ça ne me manque pas et en plus, je ne regarde absolument pas. Aujourd’hui, je m’occupe de mon immobilier, de mes voyages et si je peux, je vais voir des matchs de rugby. Le foot, je ne regarde pas sincèrement. Ça ne m’intéresse pas. Je trouve que le niveau est faible, les matchs sont vraiment « light ». Les seuls matchs que je regarde, c’est à partir des huitièmes et des quarts de finale de la Ligue des Champions. Après, tout ce qui est Ligue 1, non, je ne regarde jamais.

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Vous avez été dégoûté du football ?

Non, pas dégoûté. Ce n’est pas du dégoût, c’est que ma naïveté m’a quitté depuis un moment maintenant, que je sais comment ça se passe. C’était d’abord une passion. Jusqu’à 26-27 ans, je pensais que c’était toujours le meilleur qui jouait. Une fois que j’ai compris, j’ai été choqué. Après, c’est comme un gamin quand il apprend que le Père Noël n’existe pas, il n’y a plus la même magie. C’était la même chose.

Digestif
Le coéquipier le plus marquant : « Je vais en dire plusieurs parce que j’ai eu la chance de jouer avec de grands joueurs et qu’ils n’ont pas le même poste. Raul, pour son professionnalisme, la classe, grand joueur, techniquement, le sens du but… C’était fantastique. Et Manuel Neuer. »
L’adversaire le plus marquant : « J’ai joué Cristiano Ronaldo, Inzaghi, Rooney, Giggs… Je ne peux pas en sortir un, ce ne sont que des monstres du football international. Un mec comme Pirlo, il ne va pas vite, il ne saute pas haut, il n’est pas costaud, mais les ballons qu’il donne, c’est juste incroyable. La difficulté de lire ses passes, c’était un truc de fou. Kaka, il avait tout, Seedorf… Ce sont de grands joueurs. »
Le stade le plus marquant : « Schalke. 65 000 fermé, plein à chaque match. C’est exceptionnel. On parle de l’Angleterre, oui, mais je pense que l’Allemagne, c’est pas loin d’être pareil, si ce n’est mieux, encore plus organisé, plus à la pointe. Tous les stades où vous allez, c’est exceptionnel. »
Le meilleur défenseur du monde : « Pour moi, il n’y a même pas de débat. Le meilleur du monde, c’est Sergio Ramos. Il n’a pas oublié qu’il était défenseur. Un mec qui fait une carrière de 15 ans au plus haut niveau, qui gagne chaque année quelque chose, capitaine du Real Madrid, capitaine de l’Espagne. »

Quentin Ballue (couverture réalisée par Théo Mazars)

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