Football

MPG : Mafia, Pouvoir et Gladiateurs

Encore une nouvelle notif’. C’est la douche froide. Jérémy Livolant vient de me planter un but. Il ne marque jamais. Le jour où je rencontre le Football Club de la Saucisse, bon dernier de notre Ligue 2 MPG, il m’en plante un alors que je joue le titre. Mon fabuleux FC Visiteur se retrouve en ballotage défavorable et je décide de contacter les fondateurs de MPG pour régler ça sous le manteau. Leur parole est cité telle quelle, rien n’a ici été modifié ou inventé…


Je compose leur numéro et je tombe sur la messagerie : “Merci de ne PAS nous laisser de messages, privilégiez les liasses de billets par fax”. Je n’ai pas atterri n’importe où. Chez des rigolos certes. Mais aussi dans une sorte de mafia occulte. J’ai décidé d’en savoir plus.

Une de mes sources me file rapidement le contact d’un des fondateurs. C’est d’abord avec Benjamin que j’échange. Mais très vite, il me redirige vers Martin, lui, il saura quoi me dire. J’allais enfin pouvoir sauver mon FC Visiteur éloigné du titre en Maligue Bentalha par un but sorti de nulle part d’un Livolant remplaçant en début de rencontre.

On discute.

Il avait réussi à négocier une bouteille de rhum XO à 50€ en échange du prêt de ses 2 meilleurs attaquants à l‘avant-dernier.

Martin, mafieux de chez MPG

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est le marché noir disponible en mode expert. Martin m’explique qu’un “gars [leur] a écrit pour [leur] dire qu’il avait réussi à négocier une bouteille de rhum XO à 50€ en échange du prêt de ses 2 meilleurs attaquants à l‘avant-dernier. Il ne voulait pas descendre dans leur D2.” Un vrai marché noir qui se met en place dans la vie réelle. Une idée fourbe qui leur est venue de l’école : “On a fait option éco. L’optimum de Pareto, ça te marque sur les bancs de la fac”. Ça m’étonne pas. Un Italien au centre d’un grand système de corruption. Il m’a fallu quelques minutes heures pour comprendre ce concept. Au détour d’une vidéo qui parle de gelato, de pizzaiolo et de porno, j’ai cru avoir saisi. En gros, quand quelqu’un améliore son bien-être, ça le dégrade pour quelqu’un d’autre. Je sais dans quelle case je suis. “La loi de la jungle, pareil sur MPG”, m’assène-t-il comme un coup de bambou.

Cette stratégie leur va bien. Le combat, le sang, les larmes, et les vainqueurs qui trashtalkent. Bien loin de la promesse inscrite sur leur page Facebook : “Le jeu de foot gratuit entre amis qui va te faire aimer le lundi.” Dès le matin du premier jour de la semaine, on est jeté dans l’arène. On prie en ouvrant l’application que toute notre défense ne s’est pas transformée en Rotaldo, que notre adversaire avait Giroud sur le banc plutôt que seul en pointe à claquer des quadruplés. On attend la décision du pouce levé ou baissé… D’ailleurs, en cas de litige, de nombreux joueurs font appel à eux pour trancher “après s’être mis des coups de machettes pour désigner le VRAI vainqueur de la ligue“. Ils sont sans pitiés. Mais ils ne veulent pas de la position de juge suprême. MPG, leur truc, c’est les “combats de gladiateurs“. Martin le dit lui-même: “À l’époque, on aurait baissé le pouce dans le Colisée. Toujours ça que Facebook n’a pas osé.” Impitoyable et loin de faire aimer le lundi. Même pas à Russell Crowe.

Mon Petit Empire

C’est un véritable Empire que s’est construit MPG grâce à son Colisée hebdomadaire. Son territoire s’étale sur plus d’1,7 million d’utilisateurs. De quoi leur conférer un poids important sur le gazon mais aussi en dehors. Les joueurs pros sont devenus les pantins d’une organisation qui les dépasse. “Les joueurs pros publient leur card FIFA sur Insta mais jamais ils n’oseront poster leur cote MPG, ils savent trop les risques qu’ils prendraient pour leur carrière… “, affirme Martin en terminant son cigare. FIFA, même pas peur. C’est un jeu d’arcade. MPG, ça, c’est la réalité. MPG serait même devenu la bourse des joueurs de foot : “Tout l’écosystème le sait, les recruteurs européens conseillent aujourd’hui les clubs uniquement sous le prisme de leur mercato MPG… sinon comment expliquer le transfert de Braithwaite au Barça pour 18M€ ?” Des prix indexés sur la bonne volonté de la mafia.

A chaque fois qu’il termine une phrase, Martin rallume son cigare et s’étouffe un petit peu. “Ca ne fait pas pro, mais ça fait mafieux”.

Ca se termine souvent mal pour ceux qui tentent de refaire les algorithmes et les notes des joueurs. “On reçoit beaucoup de messages courroucés, voire enflammés, chaque lundi matin à propos des notes. Dans 90% des cas, c’est le perdant qui écrit. Les gagnants s’offusquent rarement des notes“, sourit-il. La pitié, ce n’est pas trop leur truc. “Aux deux premières lignes, tu reconnais ceux qui sont à deux doigts de balancer leur tél par la fenêtre, qui ont paumé sur un sale but MPG de Nolan Roux qui a pris un 5,5 en jouant 20 minutes. Alors vl’a que ça te refait l’algo des notes en deux temps trois Pythagore.” Malheur aux perdants.

Mais à MPG, on n’oublie pas le clientélisme. Ils font des offres que tu ne peux pas refuser. “Faut pas le dire mais ceux qui ont investi dans MPG pour leur levée de fonds ont gagné 100% de leurs ligues depuis 2 ans” m’avoue Martin en off. Mais lui, il ne profite pas des faveurs. Il se fond dans la masse, joue comme n’importe quel joueur de la plèbe : “Mes ligues, je les ai toutes gagnées. Sauf les 13 dernières“. Comme ce pote qui te dit qu’il sort toujours vainqueur d’habitude, mais qu’il est sur une mauvaise série en ce moment. Un joli pas de côté pour montrer sa bonne volonté.

“Mes ligues, je les ai toutes gagnées. Sauf les 13 dernières.

Martin, au milieu du peuple

Malgré tout, MPG n’est pas à l’abri de luttes internes pour le pouvoir. À la cime de l’organisation, on se méfie des “développeurs back-end” , m’envoie Martin tout en jetant un œil par-delà les persiennes. Il a atténué les lumières. Les développeurs back-end sont des êtres sombres. Derrière leur écran toute la journée, ils tentent de prendre le pouvoir par les algorithmes. Martin se méfie, un peu comme César se méfiait de Brutus. “Quand les développeurs back-end chez MPG ont plus de Valises que de matchs joués et que tu perds sur un score négatif, tu te dis qu’il y a des trucs chelous et que c’est pas les Illuminatis cette fois.” Le complot peut être partout (même si le hold-up n’est pas le mode opératoire de cette organisation criminelle).

“On sauvegarde tout sur clé USB, rien dans le cloud, pas folle la guêpe

Martin, puriste des internets

On prend ses précautions chez MPG. Quand je parle des Football Leaks, on me regarde avec un grand sourire, presque moqueur. Même si des Cristiano Ronaldo, des Messi ou des José Mourinho ont vu leur nom sortir, rien du côté de Mon Petit Gazon. Martin nous explique son mode opératoire : “On sauvegarde tout sur clé USB, rien dans le cloud, pas folle la guêpe“. Malgré tout, Martin me montre patte blanche sur les intentions de son entreprise. Jamais il n’a donné de l’argent pour organiser une compétition dans des stades climatisés. Dans son arène, “il y a suffisamment de joueurs qui mettent la clim’. Entre Cava au Vélodrome, Rashford au Parc ou plus récemment Giroud à Rennes, on est servi“. Pas besoin d’aller chercher ailleurs.

“Il y a suffisamment de joueurs qui mettent la clim’.”

Martin, contre la construction des stades au Qatar

Finalement, ils sont plutôt sympas à MPG. Leur organisation s’est imposée comme une plateforme incontournable pour peser dans le foot ou en société. Florent Manaudou s’est récemment mis à jouer à MPG et dans les rédactions de journalistes sportifs, c’est un passage obligatoire. Ca ne m’étonnerait pas qu’Emmanuel Macron ait eu son fameux coup de colère à cause de ces gars-là.

Un but d’Aguilar ça fait toujours cette sensation quand on a misé sur une défense Alvaro – Caleta Car au mercato et qu’on sent la sale note arriver.

Au moment de conclure notre entretien, je me demande tout de même si les mecs de MPG comprennent les Sepp Blatter et compagnie. Ceux qui magouillent dans les hautes instances juste pour une question de thunes. J’aimerais piger ce plaisir de détourner de l’argent, d’oublier ce pour quoi on travaille rien que pour l’odeur des billets violets… Mais Martin m’assène une ultime punchline : “T’as vu la citation de Maradona qui est ressortie récemment ?” Comme si je devais tout comprendre grâce à Maradona, qui aurait laissé un message sur terre avant de s’envoler vers les cieux. Malheureusement, je ne voyais pas et je ne vois toujours pas. Je me dis que ce n’était pas “Si je ne m’étais pas drogué, on ne parlerait même pas de Pelé”, ni “Mes deux grands héros sont Fidel Castro et le Che”, car ça n’aurait aucun sens. Et je me suis donc mis à penser à une citation qu’il aurait pu dire pour parler de la corruption. Et s’il avait dit : “Pour moi l’argent c’est comme la drogue, si tu mets le nez dedans, tu ne peux plus t’en passer” en arborant fièrement un t-shirt “no corruption” ? Ça, ce serait Maradona. Martin m’avait presque ému en me replongeant dans le passé d’el Dios. Je comprenais alors comment il arrivait à contrôler tout son Empire. L’émotion et la passion. En attendant, rien ne pourra sauver mon FC Visiteur d’une deuxième place merdique.

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