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Le FC Bicyclette : un tour de la France du foot

Avec 1 milliard de téléspectateurs chaque année, le Tour de France est l’évènement sportif français le plus suivi dans le monde. Le football est le sport le plus populaire en France (pas besoin de chiffre). Si vous mélangez les deux, vous obtiendrez le FC Bicyclette, un tour à vélo de la France du foot mené avec brio par Paul et Morgan, deux étudiants de 23 ans à Sciences Po. Récit d’une aventure qui fera saliver beaucoup de fans de foot.    


Paul et Morgan sont une paire complémentaire. Ils jouent tous les deux milieux de terrain (l’un est plus technique, l’autre plus agressif), ont foulé les « champs de patates » (Paul) du football amateur en Région Centre et ont passé leur année d’échange à Barcelone. « Y a pas de Hazard » dirait Gradur. C’est sur les terres du lutin argentin que les deux garçons de défi commencent à mûrir l’idée, animés par une volonté d’approfondir leur connaissance du football en vivant une belle aventure.

« On s’est donné les moyens de le faire » Paul

À peine remis de la vie nocturne barcelonaise, ils commencent à concrétiser leur projet à leur rentrée en master.

L’élément déclencheur ? « La journée du 21 septembre 2019. Je me souviens bien de la date. Il s’agissait d’un match Reims-Monaco auquel on s’est rendus à vélo depuis Paris. Grâce à une série de tweets adressés à Monaco et à Bakayoko, notre initiative de faire 300km aller-retour a plu au point où j’ai été contacté par un membre du staff monégasque. Ainsi, j’ai pu réaliser un rêve, rencontrer une idole et toute l’équipe à l’hôtel, avant de vivre le match en parcage monégasque et de recevoir le maillot du match de Baka. À partir de ce jour, on a saisi que notre démarche de se déplacer à vélo intéressait les gens et qu’il y avait quelque chose à faire » se rappelle Morgan.

Il leur faudra ensuite un an de préparation. Tout d’abord avoir les cannes pour tenir la cadence physique. Des séances d’entraînement omnisports sont fixées une à deux fois par semaine, jonglant entre coupelles, ballons à l’urban et vélos pour se « faire le cul », quitte à « ne plus pouvoir poser ses fesses sur la selle » (Morgan). La logistique ensuite. En plus de la préparation du parcours, l’association « FC Bicyclette » est créée pour faciliter les démarches administratives et la recherche active de sponsors. Plus actif que Leonardo sur le marché des transferts, Paul et Morgan seront financièrement soutenus par le Decathlon et le Crédit agricole de Dreux ainsi que l’Association sportive de Sciences Po. Obtenir la validation administrative de Sciences Po enfin. Leur responsable pédagogique a trouvé que l’initiative était parfaitement adaptée à l’année de césure, à condition de créer du contenu pour les réseaux sociaux, master de communication et médias oblige. Si Paul était déjà rompu aux montages vidéo, Morgan a dû apprendre sur le tas.

Pause flanc pour les footeux-cyclistes (@FCBicyclette)

Une fois finalisé après des longs mois de préparation, ce tour de France a été leur deuxième partie de césure après un stage à Canal+ pour Paul et à la Fédération de cyclisme pour Morgan. Le sport n’est décidemment jamais loin. Le samedi 25 janvier (une 21ème journée de Ligue 1 marquée par la victoire de Brest sur Nîmes), nos deux footeux-cyclistes se lancent sur un tracé des affiches (abordables) de Ligue 1 qui leur tenaient à cœur.

Une overdose de stades pour tenir pendant le confinement

Entre janvier et mars, ils auront pu voir des matchs à Auxerre, Courtrai (« une autre manière d’aller au stade » Paul), Marseille, Nice, Lens et Lyon. Rien que ça. La meilleure ambiance ? Alors que Morgan a préféré la chaleur de Bollaert (« le chant des Corons, c’est unique »), Paul a préféré l’explosif Orange Vélodrome (il est supporter de l’OM). Et quand les affiches n’étaient pas vécues dans les arènes, elles l’étaient au sein de clubs amateurs. Comme ce Rennes-Nantes au scénario incroyable (victoire de Rennes 3-2 avec des buts à la 95e et 97e) regardé avec les vétérans du club breton Eskouadenn de Brocéliande (Régional 2), avant de dormir chez le président « Jean Jean », « qui n’a pas hésité à nous accueillir après une soirée bien arrosée » se rappelle Paul.

Une belle soirée dans le club amateur breton Eskouadenn de Brocéliande (@FCBicyclette)

Mais les Bretons n’ont pas eu le monopole du cœur. Dans le Nord, à mi-chemin entre Lens et Lille, le secrétaire général Valentin de l’US Provin (R3) a ouvert le vestiaire pour que Paul et Morgan puissent y passer la nuit au chaud. Budget serré oblige, l’objectif était de dormir au maximum chez des amis d’amis d’amis ou tout simplement chez des inconnus séduits et curieux à la vue des deux cyclistes au projet original. Sur l’ensemble du tour, les deux compères ont dormi toutes les nuits, sauf deux, chez l’habitant. Des footeux, des connaissances des clubs amateurs rencontrés, des hôtes via des applications et de parfaits inconnus… 

Devant l’antre du doyen des clubs français (@FCBicyclette)

Les réseaux sociaux, la clef

Si l’hôtel était l’exception qui confirmait la règle, le train était en cas de tempête une exception à la règle du tout vélo. Les réseaux sociaux n’en étaient pas une. Ils leur permettaient d’ouvrir les portes des clubs professionnels. Comme pour le doyen des clubs français (vous l’avez ? 1872) dont le compte Twitter a liké le tweet d’un ami qui les mentionnait. Sautant sur l’occasion, Paul et Morgan ont échangé avec le community manager et ont ainsi pu visiter le magnifique, mais souvent vide, stade Océane, assister à une séance d’entraînement des pros et interviewer une ex-présidente du Kop Ciel et Marine Olivia Detivelle et la responsable communication du club, avec qui ils ont visité un stade qui n’attend que la Ligue 1.

Toujours en Normandie, la doublette P&M s’est entretenue avec le Caennais Anthony Gonçalves (procès en cours pour sa tentative d’assassinat sur Neymar le 23 janvier 2019), « un gars simple, déconneur » se souvient Morgan et l’ambitieux et déterminé Fred Dembi du FC Rouen (aujourd’hui à Cholet avec Mr Bicyclette Savidan), pour des témoignages sincères et rafraîchissants sur la carrière de footballeur. 

Parfois, un bon vieux coup de téléphone fera l’affaire. Comme à l’AJA de Guy Roux grâce au service de communication, où ils ont pu visiter le centre de formation qui a vu éclore Basile Boli, Éric Cantona, Djibril Cissé, Abou Diaby ou encore William Prunier. Et quand les CM et les secrétariats font les morts, Paul et Morgan entrent par la pelouse comme à Lille où ils ont directement contacté le prestataire des sites du LOSC. Ironie du sort, l’ami qui leur a filé le filon est sang et or.

Avec le “Pochettino breton” (@FCBicyclette)

Nos deux cyclistes ont pu rencontrer une autre équipe qui fait un excellent début de championnat : le Stade Rennais via sa mascotte Erminig, « blanche, pimpante et fière d’être bretonne ». Joueur à l’Eskouadenn de Brocéliande, l’intérimaire hermine des week-ends est un inconditionnel du Stade Rennais depuis le plus jeune âge. Il avait promis à sa mère de signer au Stade Rennais, il l’a finalement fait. Mais Paul et Morgan ont surtout pu rencontrer l’entraîneur qui a le vent en poupe depuis deux ans : Julien Stéphan. Si Morgan l’a trouvé « froid au premier abord », Paul nuance en le qualifiant « d’inspirant et de naturel ». Car même s’ils ont dû décaler leur départ puis rouler de nuit, ils ne pouvaient pas faire une Poto-Ekambi sur cette occasion en or de rencontrer le « Pochettino breton » comme aimait l’appeler l’ancien président du club Olivier Létang.    

« Le foot est infini »

Les deux jeunes footeux-cyclistes ont malheureusement dû mettre prématurément fin à leur Tour de France le 16 mars, au moment même de l’allocution présidentielle. Déçus de ne pas avoir pu continuer alors que les beaux jours pointaient le bout de leur nez, le confinement leur a permis de prendre du recul par rapport à cette expérience unique. En citant les exemples des rencontres avec Stéphane Bahoken à Angers et Patrick Vieira à Nice, Paul a été marqué par le côté « humain » qui existait entre le football amateur et professionnel, alors qu’on a souvent tendance à les cloisonner. Morgan rejoint son collègue sur la dite porosité entre ces deux mondes.


Tous les deux très occupés par leur dernière année d’étude, Paul et Morgan ont un peu moins de temps à consacrer aux dernières vidéos qu’il reste à publier. Et pour la suite dans le foot ? Morgan se voit bien entrainer en jeunes dans un club amateur. Quant à lui, Paul aimerait évoluer dans la création de contenus autour du sport, sans doute influencé par son alternance en tant que chef de projet digital dans le monde du foot.   

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