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Christophe Pélissier, la recette d’un chef cinq étoiles

Prenez un quinquagénaire Haut-Garonnais, saupoudrez-le d’un accent reconnaissable entre mille, agrémentez-le d’amour pour le football, préchauffez-le à l’échelon local, laissez-le mijoter dans l’antichambre de la Ligue 1, ajoutez une réelle passion pour le jeu, mélangez le tout avec une détermination sans faille et vous obtiendrez un chef de brigade nommé Christophe Pélissier. Le technicien de 54 ans n’est pas le dernier venu dans le monde du football français. Vingt ans déjà que le natif de Revel fait ses gammes en tant qu’entraîneur et beaucoup s’accordent à penser que le meilleur est devant lui. Après une carrière de joueur banale sur les terrains de National, il a poursuivi au tournant des années 2000 en tant qu’entraineur. Suite logique pour un hyperactif obsédé par le football, aujourd’hui apprécié de tous. Luzenac, Amiens et maintenant Lorient, retour sur le portrait d’un entraineur qui fait des miracles partout où il passe.


Des débuts réussis dans sa région natale, entre miracles et désillusion

Son expérience de tacticien sur les bancs de touche commence à l’US Revel en 2000 où il  fait toutes ses classes en tant que joueur, notamment avec Éric Carrière. Élégant meneur de jeu, il n’apprécie alors pas les séances trop physiques et préfère placer le jeu avec ballon au centre des entrainements. Sébastien Vidal, ancien partenaire de Christophe Pélissier et aujourd’hui responsable de l’école de foot de Revel le décrit parfaitement dans la Dép: « Il avait une bonne technique et aimait avoir le ballon. Sur une séance d’entrainement, il y avait beaucoup de jeu, d’exercices avec le ballon et très peu de travail athlétique ». Les résultats du jeune éducateur sportif sont tout de suite positifs puisqu’il parvient à hisser l’équipe revéloise en CFA 2, même s’il n’arrive pas à la maintenir. L’épopée de son équipe va par deux fois jusqu’au huitième tour de Coupe de France, après avoir battu l’AC Ajaccio, alors pensionnaire de Ligue 2. Il quitte l’US Revel en 2006 pour rejoindre le club voisin de l’AS Muret. Son passage éclair dans le club, où il côtoie l’actuel consultant chez Canal + Dominique Armand, est riche d’apprentissage. Il vient tout juste d’obtenir ses diplômes d’entraineur. Ce n’est pas pour autant que ses entrainements manquent de qualité. Il crée alors une identité de jeu à l’équipe en l’espace d’une année. Mais après avoir raté d’un rien la montée en CFA 2, il quitte le club muretain pour un club du département voisin.

Dès son arrivée à Revel, Christophe Pélisser a endossé la tunique d’entraineur à la perfection.


C’est en Ariège que Christophe Pélissier va réellement commencer à faire parler de lui et mettre en place la vraie cuisine qu’il apprécie. À Luzenac, petite bourgade pyrénéenne de 500 habitants, il va connaitre un véritable conte de fée. L’actuel président du club Christophe Rodriguez le qualifie de « rigoureux, professionnel et intelligent ». Dès sa deuxième saison, les effets de la patte Pélissier se font sentir sur les résultats de l’équipe. Le LAP monte en National et Luzenac devient alors la plus petit ville de l’histoire à évoluer à cet échelon national. Le club enchaine les maintiens et se professionnalise sous la houlette de son coach Pélissier. Il se base sur un groupe homogène qui brille par son sens du collectif et où chaque individualité apporte sa touche. Le 8 mai 2014, Luzenac finit deuxième de National et obtient la son ticket pour la Ligue 2. Et ce qui s’ensuit, tout le monde connait la musique. En août de la même année, la Ligue de Football Professionnel (LFP) invalide la montée dans l’antichambre de la Ligue 1 pour le petit club ariégeois pour des raisons peu justifiées. L’ascension de Christophe Pélissier, commencée sept ans plus tôt, vient alors d’en prendre un coup.

Christophe Pélissier sur le banc de touche de Luzenac

La résurrection à Amiens et la confirmation d’une vocation pour le plus haut niveau

Christophe Pélissier vit très mal cette période qui est vécue par tous comme une injustice. Il ne supporte pas de se retrouver sans club du jour au lendemain et perd toute raison de vivre. Nicolas Dieuze, qui a évolué deux ans sous ses ordres, confie: «  Il a été beaucoup touché par cette non-montée. Très affecté de cette inactivité subie, d’être sans club ». Mais très rapidement, le technicien haut garonnais va trouver un point de chute pour rebondir. C’est en Picardie qu’il s’exporte pour redresser le club d’Amiens. En décembre 2014, le club est en milieu de tableau en National. L’objectif affiché par les dirigeants est clair: retrouver la Ligue 2. Coach Pélissier s’appuie là encore sur un groupe axé autour du collectif et sur des joueurs qu’il fait venir de Luzenac comme Régis Gurtner qu’il installe au poste de gardien de but ou ceux qui étaient déjà au club en National comme Thomas Monconduit. Dès juin 2016, l’Amiens SC obtient la montée en Ligue 2. Une sorte de revanche pour celui qui, deux ans plus tôt, s’était vu refuser l’accession en Ligue 2. L’année d’après, l’impensable se réalise et le club d’Amiens obtient, à la dernière minute du dernier match de la saison 2016-2017, la montée dans l’élite du football français. Christophe Pélissier réalise ce qu’aucun entraineur amiénois n’avait réussi auparavant. Le chef s’appuie sur des ingrédients pour produire un football tout autant élégant qu’efficace. Là encore, ces ingrédients se nomment identité, collectif, caractère mais pas que. Le coach de l’Amiens SC demande une rigueur tactique certaine à ses joueurs. Le terrain d’entrainement est découpé en quatre zones, tracée définitivement. Ses repères lui permettent de travailler les phases de transition pour que chacun de ses joueurs soit placé de la meilleure manière. Il est aussi un fervent défenseur du marquage en zone mais prône le marque individuel dans ce qu’il appelle les « zones de survie », autrement dit les 25 derniers mètres. Il confie aussi s’inspirer énormément du Chili de Jorge Sampaoli, notamment l’intensité mise en oeuvre par la sélection chilienne. Ses débuts en Ligue 1 le 10 juillet 2017, comme un symbole, ont lieu au Parc des Princes face à l’ogre parisien. Les Amiénois s’en sortent dignement et s’inclinent sur le score de 2 à 0. Il obtient sa première victoire en Ligue 1 lors de la quatrième journée de Ligue 1, à domicile au Stade de la Licorne, face à Nice. Christophe Pélissier réalise une première année convaincante avec une place de 13ème lors de l’exercice 2017-2018. La saison suivante, Amiens termine à la 15ème place. Le mardi 28 mai 2019, il quitte son poste d’entraineur d’Amiens où il aura brillé. Sa ligne directrice n’a jamais changé : être proche des joueurs que ce soit la star brésilienne Ganso ou le petit jeune sorti du centre de formation et que ces derniers se battent sans cesse et qu’ils mouillent le maillot.

Son passage à Amiens lui a permis de se faire connaitre du grand public

L’année de la consécration à Lorient?

Le lendemain de sa démission du club amiénois, l’officialisation chez les Merlus de Lorient ne s’est pas faite attendre. Le coach prend très vite ses marques en Bretagne. Après deux victoires en autant de rencontres contre le Paris FC et Caen, Lorient squatte les premières places de Ligue 2. Organisé en 4-2-3-1, les Lorientais sont leaders de la Ligue 2 après 25 journées et se donnent le droit de rêver de Ligue 1. Une place de leader qu’ils occupent depuis la 20ème journée. Le club qui était relégable en 2017 retrouve des couleurs sous la houlette du technicien spécialiste de la Ligue et des montées puisqu’il en a connu trois depuis 2014. Il a fait de Fabien Lemoine, milieu de terrain, son capitaine courage et Yoan Wissa, son atout offensif numéro un. Ce dernier emmène la meilleure attaque du championnat, bien aidé par les 8 réalisations de P-Y Hamel et les 4 buts de Jimmy Cabot. Mais le Lorient de Pélissier c’est aussi une solidité défensive qui s’est traduite par seulement 15 buts encaissés lors de la phase aller. C’est aussi du temps de jeu donné aux jeunes qui éclosent comme Enzo Le Fée au milieu de terrain qui éclabousse la Ligue 2 de son talent. Mais avant de se déplacer à Rodez, région natale de Christophe Pélissier et brillant promu, les Lorientais connaissent un passage à vide avec deux défaites consécutives. Quoi de mieux que la chaleur du Stade Pierre-Lignon pour lancer une dynamique positive ?


Si le chef Pélissier continue à préparer et servir le merlu avec autant de succès, nul doute qu’il retrouvera les meilleurs tables de la Ligue 1 la saison prochaine.

Hugo Forques

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