L'effectif de l'OL Reign à l'entraînement sous ses nouvelles couleurs en attente de la reprise des activités sportives aux Etats-Unis
Les joueuses de Tacoma défendent désormais les couleurs de l'OL Reign
Autour du Monde

Lyon, le règne américain

Maître incontesté de France et d’Europe sur les terrains de football féminin ces dernières années, l’Olympique Lyonnais se conjugue désormais aussi à l’américaine. Avec le rachat du Reign FC, devenu OL Reign, l’institution rhodanienne s’ouvre les portes du pays référence en matière de football féminin, et amorce une nouvelle ère de son développement.


Le 7 juillet 2019 en fin d’après-midi, sous le soleil d’été du Groupama Stadium de Décines, la capitaine de la sélection nationale américaine soulevait le trophée de la Coupe du monde féminine, acquis après une difficile victoire contre les Pays-Bas (2-0). Megan Rapinoe était venue à Lyon avec toute l’intention d’immortaliser un peu plus la légende américaine, et elle a remporté son pari. Depuis, c’est Lyon qui est venue à elle. A elle et à son club, le Reign FC.

L’Olympique Lyonnais a en effet annoncé en décembre dernier le rachat de l’équipe basée dans la petite – à l’échelle des Etats-Unis – ville de Tacoma, à une heure de route au sud de Seattle, dans l’état de Washington, après plusieurs semaines de discussions, négociations et tractations avec l’homme d’affaires Bill Predmore, jusque-là aux commandes. Une acquisition surprise, qui s’inscrit néanmoins dans la lignée des envies d’international portées par Jean-Michel Aulas et la direction rhodanienne. Véritable monument européen du petit monde féminin du ballon rond, l’OL tisse ainsi un lien incassable avec sa nation reine, les Etats-Unis, et pose une nouvelle belle pierre dans l’édifice de son rayonnement.

Le rêve américain

L’idée ne sort pas de nulle part. Elle germe depuis un certain temps déjà dans la tête du fantasque président lyonnais. Jean-Michel Aulas est un entrepreneur, un conquérant, toujours à la recherche de la prochaine opportunité. Il est aussi un peu visionnaire, particulièrement en ce qui concerne le football féminin, pas forcément le premier – il y a eu les Nicollin avant lui, à Montpellier – mais présent depuis si longtemps. Avec son Olympique Lyonnais féminin, il a construit la plus belle des aventures. Une formidable machine à jouer, à gagner, et à faire rêver les petites filles de France et d’Europe. Les Etats-Unis apparaissaient comme la prochaine étape, le prochain accomplissement. Alors la holding OL Groupe commence à sonder le terrain. Ce terrain prendra bientôt le nom de Tacoma.

Tacoma est une ville d’Amérique comme il en existe des milliers d’autres. 200 000 mille habitants, nichés dans l’aire urbaine de la géante régionale Seattle, au bord de la baie du Commencement et en face de l’Olympic National Park. Une équipe de baseball semi-amateur et un club de football féminin de première division, originellement basé à Seattle, justement, et qui a déménagé à Tacoma courant 2019. Créé en 2012, le Reign FC fait partie des huit clubs qui se sont lancés dans l’aventure de la National Women’s Soccer League (NWSL) un an plus tard. Le Reign FC s’impose rapidement comme un club phare de l’élite, sans jamais parvenir à remporter le championnat. Sous la direction de Laura Harvey, coach emblématique, les « Bold » atteignent à deux reprises la finale des play-offs, en 2014 et 2015, où elles sont défaites par Kansas City. Les deux années qui suivent, elles échouent au pied du Final Four. Avec l’arrivée du Macédonien Vlatko Andonovski aux commandes en 2018, le Reign FC retrouve le devant de la scène et les demi-finales de championnat. Lorsque l’Olympique Lyonnais manifeste publiquement son intérêt pour la franchise, l’équipe vient de terminer un exercice 2019 satisfaisant, accrochant la 3ème place de la saison régulière et battue aux portes de la finale par les futures championnes du North Carolina Courage. Mené par sa superstar Megan Rapinoe, le Reign FC est en orbite vers les étoiles. Et toutes ces promesses tapent dans l’œil de la direction lyonnaise.

Les négociations entre les parties vont bon train, et la nouvelle est officialisée fin décembre 2019. L’enjeu était si important que Jean-Michel Aulas lui-même a fait le déplacement de l’autre côté de l’Atlantique pour finaliser le « deal ». Le Reign FC appartient désormais à une holding contrôlée à 89,5% par OL Groupe. Un petit bijou à 3,5 millions de dollars (soit 3,1 millions d’euros). Le club est renommé OL Reign, le logo est modifié pour intégrer une tête de lion et les nuances de bleu et rouge caractéristiques de l’identité visuelle rhodanienne, et un tout nouveau staff technique prend les commandes, l’enfant du pays Farid Benstiti à sa tête. L’aventure américano-lyonnaise est lancée.

L’OL et les « Stars & Stripes », une histoire ancienne

En réalité, l’histoire d’amour entre la capitale des Gaules et le pays des grands espaces n’est pas une nouveauté. Depuis plusieurs années, le cours de l’histoire est venu tisser de multiples liens entre l’OL et la NWSL. Nombre de joueuses sont venues porter le maillot blanc à bandes bleues et rouges le temps d’un semestre ou d’une saison, pour découvrir un autre football que celui auquel elles ont été nourries depuis leur tendre enfance, pour s’enrichir, pour élargir leurs horizons. Ce fut le cas de Megan Rapinoe, dont le destin est décidément irrémédiablement lié à la ville lumière. En janvier 2013, elle s’engage pour six mois avec l’Olympique Lyonnais, après une courte aventure australienne. Elle y restera finalement plus d’un an, et ne quittera le club qu’en raison de gros désaccords avec l’entraîneur de l’époque, Patrice Lair. Elle rentre alors au pays et signe au Reign FC (encore appelé Seattle Reign à l’époque). Six ans plus tard, la boucle semble bouclée. Avant et après elle, il y eut aussi Hope Solo, Danielle Slaton, Lorrie Fair, Christie Welsh, Alex Morgan. Autant de joueuses emblématiques de la sélection nationale américaine qui sont venues goûter au savoir-faire lyonnais en termes de football féminin.

La réciproque est plus rare mais également vraie. L’OL a parfois vu certaines de ses pépites s’envoler vers les Etats-Unis. L’actuelle responsable de la formation Sonia Bompastor a évolué sous le maillot des Washington Freedoms à la fin des années 2010. Camille Abily, adjointe de l’entraîneur Jean-Luc Vasseur, a joué à Los Angeles et Santa Clara, en Californie. Plus récemment, c’est la capitaine de l’équipe de France Amandine Henry qui s’est laissée tenter par l’aventure américaine et les Portland Thorns, avec qui elle a remporté la WNSL en 2017. La naissance de l’OL Reign vient concrétiser toutes ces années d’échanges et d’apprentissages.

Du Rhône au Pacifique, du gazon au parquet

La prise de contrôle du Reign FC par l’institution lyonnaise est tant symbolique que stratégique. Elle permet d’abord à la marque OL de s’étendre au-delà des frontières de l’Europe du football féminin, qu’elle a conquise à plusieurs reprises et qui commence à devenir trop petite pour elle. Par cette arrivée fracassante sur le territoire du football féminin par excellence, Lyon souhaite réaffirmer sa position de leader et pionnier en la matière. Rien n’est trop beau pour les sextuples championnes d’Europe, qui ont formé ou vu défiler dans leurs rangs presque toutes les meilleures joueuses du monde. Et il est grand temps que cette légende soit contée jusqu’aux confins de l’Amérique.

Mais plus que le vernis réputationnel, l’acquisition ouvre aussi de multiples opportunités stratégiques. Tacoma abrite les sièges sociaux de grandes firmes mondiales, Microsoft, Starbucks, pour ne citer qu’elles. Des noms ronflants et des possibilités de partenariats qui offriraient une visibilité unique à l’Olympique Lyonnais. Mais surtout, Tacoma et le Reign FC se présentent à Jean-Michel Aulas comme un gigantesque terrain de jeu vierge, où tout – ou presque – est à construire. Un stade, pour commencer. Le Reign FC empruntait jusque-là à l’équipe de baseball le petit Cheney Stadium et son terrain en losange, qui peut accueillir à peine 6 500 spectateurs (ce qui en fait la plus petite capacité de la NSWL). Avec l’arrivée de la direction lyonnaise, le projet de construction d’une nouvelle enceinte a été définitivement acté. L’idée d’y adosser un véritable centre d’entraînement et une Academy de formation, sur le modèle des infrastructures du Groupama Stadium, a également été discutée. Et c’est peut-être le plus stimulant dans ce projet. L’OL Groupe a les mains libres pour remodeler et façonner le club à son image. Libre à lui d’y exporter l’impressionnant savoir-faire qui fonctionne dans le Rhône autour de la section féminine.


L’OL Reign va devenir une nouvelle étoile dans la galaxie construite par Jean-Michel Aulas et l’OL Groupe, et dont les enjeux dépassent désormais le simple cadre du football. L’homme d’affaires de 71 ans est maintenant à la tête d’une entreprise multisports soigneusement développée ces dernières années. L’été dernier, les prémices du rapprochement avec l’ASVEL, le club de basket phare de la métropole lyonnaise, avaient commencé à donner le ton. Depuis, l’OL Groupe est officiellement rentré au capital de l’ASVEL, actant le rapprochement entre les deux clubs, et Jean-Michel Aulas a fait de Tony Parker, le patron des parquets lyonnais, son successeur tout désigné. Tony Parker qui a justement agi comme intermédiaire privilégié dans les négociations autour de l’OL Reign, et qui en possède aujourd’hui 3% des parts. La marque OL ne cesse de s’étendre. A elle les Amériques.

0