La SignaturePasse en profondeur

Le foot en 5x7cm

Le sticker Panini traverse les générations. Il fait parfois l’objet de transmission d’une personne à une autre, un grand père à son petit fils, un collectionneur à un autre. Panini c’est des albums dûment remplis, riches d’une histoire personnelle. Pour les amateurs de football l’étiquette rectangulaire, en 5 par 7 centimètres est, à leur manière, une façon de vivre le jeu par procuration. Entretiens croisés avec des passionnés.


Nous le connaissons tous, le supporter pour qui ce mois de juin s’avère être morose. Celui qui, depuis le 12 juin dernier, reste figé devant sa télé éteinte, écran noir. Celui qui avait posé des congés les jours de match. Celui qui avait peut-être même réservé ses billets pour aller au stade et visiter un petit bout d’Europe. Celui qui a tout de même enfilé son plus beau maillot de France 98, parce qu’au moins ça le dépoussière et puis on a l’impression d’y être… 
Hélas, ce début d’année aura été marqué par une mise à l’arrêt générale, de tous les domaines qu’il soit et en particulier les loisirs.
Le football n’y échappera pas : dès le 17 mars l’UEFA annonce le report de l’Euro 2020 à l’année suivante en raison de la pandémie du coronavirus sévissant sévèrement en Europe et partout ailleurs.

Pour les plus férus du ballon rond, c’est un monde qui s’écroule. Que vont-ils devenir sans leur perfusion de compétition internationale ? 
Pour pallier ce manque, les chaines télé françaises ressortent des vieilles cassettes et repassent des (plus ou moins) anciens matchs. Allant du jubilé de l’ASSE aux rencontres de la dernière Coupe du Monde, il y avait du choix. Malgré ces efforts, impossible de ne pas sentir ce parfum de déjà vu, ce goût de déjà mâché. 
Ceux possédant une console se sont jetés sur FIFA, cherchant à vibrer autant qu’un catalan devant une remontada du Barça face au PSG en 2017. 

Souvent conservés précieusement, les albums Panini traversent les générations

Dépoussiérer les albums

Vivre le foot par procuration,certains y sont finalement déjà habitués. Les collectionneurs des fameuses petites vignettes Panini ont vu dans ce « temps mort » une façon de revenir à l’essentiel. En se replongeant dans de vieux albums ou bien en complétant les plus récents, ils ont enfin pu prendre du temps pour leur passion. 
Comment l’entreprise italienne Panini a-t-elle su à ce point prendre une place importante dans la vie de nombreux amateurs de sport ? Ils sont prêts à dépenser des sommes parfois astronomiques pour compléter un album, à contacter la France entière (ou plus!) pour des échanges de doublons. Un réel passe temps pas finalement plutôt commun chez les petits comme chez les grands. 

Une formule qui marche pour le plus grand bonheur d’Alain Guerrini, PDG France de Panini, qui livrait ses secrets chez nos confrères du JDD l’année dernière. “L’album Panini devient un produit transversal au niveau des familles : enfants et parents trouvent du plaisir à le faire ensemble”. Un album Panini c’est une transmission voire une donation de ce qu’on avait de plus précieux à un moment de notre vie. Une petite dose de nostalgie par dessus et l’attachement à ces livres-trésors n’y est que plus fort.

Lien social de poche

Le football est un sujet de discussion à part entière. Combien d’amitiés sont nées dans un stade, un bar ou bien sur un terrain ? Parmi elles, il existe un petit cercle encore plus restreint d’amis ayant comme même centre d’intérêt ces petites images. “Ça coûte des sous, mais c’est sympa d’en parler avec les potes, de se faire des petits défis. Quand on se voit pour en échanger, on boit un coup, on parle des joueurs” explique Christopher Pierre, consultant pour la RTBF, le service public de la télévision et de la radio en Belgique. 

“Quand j’étais en colocation, avec mes colocataires pour les mondiaux, on se devait de supporter la première équipe que l’on avait rempli”

Christopher, collectionneur

Ce collectionneur a commencé il y a 30 ans, avec son père et l’album du mondial italien de 1990. Depuis, tous les deux ans il retrouve la fièvre des autocollants. La passion a aujourd’hui évolué avec son âge, et les défis dont il parle sont pour le moins originaux. “Quand j’étais en colocation, avec mes colocataires pour les mondiaux, on se devait de supporter la première équipe que l’on avait rempli entièrement dans l’album. On s’obligeait à étudier l’hymne national, on devait acheter le maillot, regarder tous les matchs, en fait : être de vrais supporters! Ça donnait de chouettes situations, je me souviens avoir eu la Grèce ou l’Afrique du Sud et je m’étais retrouvé à crier tout seul dans mon salon parce que l’Afrique du Sud avait marqué”. 

Devoir de mémoire 

Pour d’autres, toute la valeur de ces albums réside dans les souvenirs qu’ils entraînent. Plus une page est cornée, plus elle a de valeur sentimentale. Un album abîmé c’est comme son plus vieux compagnon de route à qui l’on s’adresse régulièrement, qui nous rassure et nous rappelle des souvenirs, parfois heureux, parfois moins. C’est le cas d’Hugo Perez de 21 ans étudiant à Sciences Po Lille : “mon préféré c’est celui de 2006, j’aime bien le ressortir parfois et le regarder. En plus il est abimé, j’avais 7 ans je faisais moins attention. J’avais même rayé la vignette de Materazzi”.
S’en suivent aussi souvent de grandes histoires d’amour, comme se le rappelle le jeune étudiant : “mon idole de toujours c’est Fernando Torres. C’était lui la première image du premier paquet que j’ai ouvert en 2006. Il était tout en bas à droite de la page de l’équipe d’Espagne et je ne sais pas pourquoi, juste en le regardant je l’avais adoré. J’ai commencé à le suivre et pendant 15 ans c’était mon joueur préféré. C’est aussi pour ça que j’aime tant les Panini”. 

Les stickers brillants, représentant les écussons des clubs, sont les plus difficiles à dénicher dans les paquets.

Lui qui ne collectionne que pour les grandes compétitions internationales, lui qui attendait le début de l’Euro 2020 pour entamer un nouveau chapitre de son histoire avec la firme italienne, s’est finalement rabattu sur un tri de ses albums pendant le confinement. “Tu te penches dessus pendant une heure, tu les regardes ça te rappelle des souvenirs de joueurs, tu vas sur Youtube, tu regardes des vidéos : c’est un moyen de se souvenir de la compétition”. 

Mais ils sont aussi une chance pour les supporters de tout âge d’appréhender un peu mieux ces compétitions et ses acteurs. Hugo doit sa connaissance des équipes et des joueurs aux autocollants, sans qui comme il l’affirme un match Colombie-Sénégal n’aurait pas eu la même saveur. 

Passionné à “1000” pourcent 

C’est également le cas de Chris Rodriguez, professeur d’histoire géographie mais aussi l’un des plus grands collectionneurs de Panini français. Depuis son premier album du championnat français de 1988, il s’intéresse à tous les championnats nationaux. Son plus grand regret pour la saison passé : ne pas avoir pu se procurer l’album de la ligue maltaise. Sans les panini, cet amoureux du football du monde entier, et notamment des derbys entre les Partisans de Belgrade et l’Étoile Rouge de Belgrade, ne pourrait pas vivre sa passion aussi intensément.

“j’ai un ami en Grèce, un autre au Chili, ils me gardent toujours l’album de la saison”

Chris, Collectionneur

Possesseur de plus de mille albums et gérant d’une page Facebook entièrement dédiée à ses collections, le quarantenaire ne se fixe aucune barrière. Un réseau entre grands collectionneurs du monde entier s’est créé, c’est ainsi qu’il peut se procurer les produits étrangers : “j’ai un ami en Grèce, un autre au Chili, ils me gardent toujours l’album de la saison”. Petit, il allait même frapper à la porte de l’entreprise française, sur la Côte d’Azur à Saint Laurent du Var pour se procurer ses étiquettes manquantes. Aujourd’hui toute la production est revenu à Modène en Italie, mais le spécialiste du groupe Panini garde de bonnes relations avec l’entreprise. 

Fin connaisseur, son tableau de chasse possède des pièces rares comme des éléments dédiés à l’histoire d’un club, parus uniquement en Allemagne ou au Brésil, “de vraies nations du foot contrairement à la France” comme le rappelle Chris. “Seul l’Olympique de Marseille en 1999 a eu droit à son exemplaire” explique-t-il.
Son ouvrage favori est d’ailleurs un album sorti en 2013, sur l’histoire de la Seleçao du Brésil qu’il a remis en ligne sur sa page pendant le confinement. “Un produit de luxe” comme il l’appelle, qui permet de faire revivre les meilleurs moments du parcours de la sélection brésilienne.


Le confinement n’aura donc pas été une période creuse pour tous les fans de foot. Il aura fait revivre les vieux livres posés au fond des placards. 
En l’absence de la compétition, deux albums de l’euro 2020 ont tout de même vu le jour en début d’année, une version française et une version belge, que l’on peut distinguer par leur couleur (l’une est orange l’autre bleue). Les produits ne reçoivent pas l’audience escomptée, mais c’est pour les plus grands collectionneurs des pièces uniques, souvenirs de ce rude début d’année. 

Ana Gressier

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