La semaine contre l'homophobiePasse en profondeur

L’homophobie dans le football, quand dire c’est faire.

Les mots ont des effets, des conséquences. C’est ce que défend le philosophe anglais John Austin pour qui « dire c’est faire ». Le langage n’est pas un simple moyen de communiquer, il est aussi une passerelle pour agir sur son environnement. On appelle cela un « acte de langage ».

Dans les stades, dire c’est effectivement faire. Quand sont entonnés des propos homophobes, un « oh hisse l’enculé » ou un moins chantant mais tout aussi évocateur « tarlouze », le résultat, l’effet produit par ces paroles c’est la stigmatisation d’une communauté toute entière. L’expression décomplexée d’une homophobie ordinaire. Quand dans les années 90 le joueur anglais Justin Fashanu fait part publiquement de son homosexualité, il est insulté, harcelé, et même rejeté par sa propre communauté sportive. Des paroles si violentes qu’elles poussent l’homme au suicide. Là encore, dire c’est tragiquement faire. Quand en 2019, le dirigeant de la Fédération de Football Française, Noël Le Graet, établit volontairement une hiérarchie des causes en indiquant ne pas vouloir arrêter un match pour des propos homophobes comme on arrêterait un match pour des propos racistes, il entend que certaines causes se valent plus que d’autres. Comme si l’une d’elle méritait moins d’être défendue. Dire cela, c’est se positionner en rupture avec tous les progrès faits depuis des années contre l’homophobie dans les stades. C’est faire la part belle aux chants homophobes. Ici, dire c’est donc faire et cautionner.

Malheureusement en dehors des stades, dire ce n’est pas faire pour tout le monde. Quand il s’agit de lutter contre l’homophobie, les actions peinent à suivre les mots. Imaginons qu’un problème soit dénoncé publiquement. Imaginons que ce problème soit un grand tabou salissant l’image d’un sport depuis de longues années. Théoriquement on pourrait s’attendre à ce que des mesures soient prises avec empressement, pour que les paroles dénonciatrices se traduisent en actes. Mais dans la grande société du football français on freine le changement, souvent jusqu’à l’immobilisme. Les beaux discours manquent alors parfois d’huile de coude et les mots ne jouent qu’un rôle de circonstance. Au revoir la théorie d’Austin, dire c’est mimer l’action, c’est faire semblant de faire. Les mots perdent du pouvoir, comme si les hommes et les femmes qui les avaient prononcés, les regrettaient aussitôt. Cette malheureuse habitude s’applique à la lutte contre l’homophobie dans le football. Si la cause se développe, si beaucoup est déjà entrepris, l’omerta et les pratiques homophobes subsistent.  

Alors à Caviar pour que les mots fassent vraiment, on va beaucoup en dire cette semaine, sur ce tabou institutionnalisé de l’homophobie, sur cette censure trop longtemps établie comme système. On va beaucoup en dire, en espérant faire.

VF

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