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RB Leipzig et FC Salzbourg : Red Bull mon amour

Le RB Leipzig et le FC Salzbourg ont le vent en poupe. Dominateurs en championnat et convaincants en Europe, ces deux clubs offensifs et spectaculaires possèdent une énorme particularité : ils sont devenus indissociables de Red Bull. Avant leur troisième match de Ligue des champions, revenons un peu sur l’histoire de ces deux clubs, sous l’ombre imposante de la marque au taureau ailé.

Note de l’auteur : Pour cet article, je n’écrirai pas Red Bull Salzbourg mais FC Salzbourg, le nom de club que les Autrichiens sont obligés de porter sur la scène européenne.


La stratégie de Red Bull : investir dans le football avec une omniprésence marketing

Le choix pour Red Bull d’investir dans le football, et plus précisément le football allemand, n’est pas dû au hasard. Ce sport est aujourd’hui le plus regardé au monde, mais également celui autour duquel gravite le plus d’enjeux économiques, financiers et géopolitiques. C’est une manière de se faire voir, et bien voir, aux yeux des autres, afin d’accorder la vision qu’une marque ou un investisseur a de lui-même, à celle qu’il renvoie. De plus, la Bundesliga est l’un des championnats les plus populaires au monde, avec une audience et une réputation plus importantes que la Ligue 1 Conforama par exemple, que ce soit au niveau de l’Allemagne elle-même, ou à l’échelle internationale.

Sur les maillots du RB Leipzig et du FC Salzbourg, les couleurs de Red Bull sont vite identifiables, grâce à sa réputation internationale. Là où cela diffère d’un sponsoring classique, c’est que les couleurs des deux clubs sont celles de Red Bull. De l’écusson aux maillots en passant par les produits dérivés, la marque Red Bull est présente partout. Ce ne sont plus seulement les couleurs d’un club, mais celles d’une marque. Red Bull utilise le sponsoring comme moyen de développer son image. Il ne faut pas totalement se débarrasser des imaginaires concernant une marque associée à la dangerosité, à la nuit et à la fête. Mais plutôt que de lisser quelque peu les côtés plus « abrasifs », de façon à rendre l’image de l’entreprise davantage compatible avec une diffusion dans le football.

Investir dans le football de l’Allemagne de l’Est

Il peut apparaître ironique de se dire que, sans les mauvais résultats du FC Salzbourg sur la scène internationale, le RB Leipzig n’aurait peut-être jamais vu le jour. Depuis le rachat de la licence du SV Austria Salzbourg en 2005 par Red Bull, et avant cette année 2019/2020, l’équipe autrichienne n’avait en effet jamais réussi à se qualifier en Ligue des Champions, avec une demi-finale de Ligue Europa perdue contre l’OM en 2017/2018 en point d’orgue. L’année dernière, ils ont également terminé premiers de leur groupe de Ligue Europa… devant le RB Leipzig. Ultra-dominateurs en Autriche, le FC Salzbourg calait néanmoins jusqu’à présent devant la plus grande marche européenne.

Crédit photo : DANIEL KRUG/Getty Images

Dès lors, l’idée a germé chez Red Bull, qui déteste attendre, d’aller investir dans un des quatre grands championnats européens, pour continuer d’exporter la marque. Le choix de l’Allemagne se situe dans une logique de proximité, qu’elle soit linguistique ou géographique, avec le pays d’origine de l’entreprise, l’Autriche. La décision de racheter la licence du SSV Markänstadt, un club à dix kilomètres de Leipzig, en 2009 par Red Bull n’est dès lors pas anodine. Profiter d’une ville de 500 000 habitants à l’économie en pleine reprise, qui attire les esprits créatifs venant de Berlin et possédant des clubs historiques en mauvais état financier et sportif ressemble à la parfaite opportunité.

À l’époque, Red Bull avait rencontré les défiances des supporters d’un des clubs historiques de la ville, le FC Sachsen Leipzig, alors en quatrième division. Qui n’ont voulu vendre ni leur club, ni leur couleur et encore moins leur identité. Essayant toujours d’investir dans un club de l’ex-Allemagne de l’Est, Red Bull se heurte à des supporters souhaitant conserver la tradition de leur club intacte. Les opportunités d’investir en Allemagne de l’Ouest sont d’ailleurs bien plus limitées, avec de nombreuses entreprises allemandes prêtes à investir dans des clubs. Ainsi, ce n’est qu’en 2009 que Red Bull trouve le bon club. C’est le début de l’aventure RB Leipzig, avec donc le logo de l’entreprise placardé partout, sur les maillots, les installations sportives et des panneaux publicitaires tout autour de la ville. Ce choix ne s’est donc pas fait par hasard, puisqu’avec le SSV et le paysage de l’ex-Allemagne de l’Est, Red Bull possède une réelle marge de manœuvre pour implanter ses visions et ses politiques.

Investir rapidement pour obtenir des résultats probants

Ce n’est une surprise pour personne : le football est un élément géopolitique très fort. En s’y imposant, on se dote d’une visibilité qui n’est pas négligeable. Mais pour être vus, il faut gagner et cela, Red Bull l’a bien compris. Dès lors, avec le RB Leipzig, il faut avoir des résultats rapidement. Ceux-ci passent en premier lieu par le vecteur économique : Red Bull injecte près de 100 millions d’euros dans le club en huit ans, une somme allouée pour toutes sortes de coûts, allant de l’achat des joueurs à la création d’un centre d’entraînement dernier cri. L’idée est d’asseoir la position du club en Bundesliga, avec un objectif de participer chaque année à la grande messe annuelle de la Ligue des champions. L’entreprise agit avec son nouveau club comme elle agirait avec n’importe quel produit, c’est-à-dire en le considérant comme un investissement.

Le RB Leipzig n’est pas le club préféré en Allemagne. Crédit photo : Guenter Schiffmann / AFP

En outre, le récit voulu par Red Bull fonctionne particulièrement bien au sein de la Bundesliga : avec le RB Leipzig, il y a l’irruption d’un jeune club, qui casse les codes et les traditions d’un football allemand encore très corporatiste – et avec des clubs de l’Ouest de l’Allemagne. Se déclenche dès lors un « nous contre eux » fédérateur et exacerbé par l’aversion de certains clubs de Bundesliga envers le RB. Leipzig est un club jeune – il n’a en effet que 10 ans – et qui a déjà eu de bons résultats en Bundesliga, dont une très belle deuxième place en 2016/2017.

La patte Red Bull : à fond les jeunes

Cette sensation de jeunesse est d’autant plus forte qu’elle fait partie de la stratégie marketing du club et de Red Bull : le RB Leipzig est une équipe constituée de jeunes talents, qui vont vite, qui jouent un football direct, sans attendre longtemps balle au pied. Ici, on retrouve la « patte » Red Bull : le FC Salzbourg pratique également un jeu direct, sans concession.

Crédit photo : Getty Images – 2018

Timo Werner, Yussuf Poulsen, Marcel Sabitzer et Emil Forsberg du côté du RB, Hwang Hee-chan et Erling Braut Håland – révélation du début de la saison avec son triplé lors du premier match de Ligue des champions – du côté de Salzbourg : la jeunesse est aux commandes. C’est aussi vrai quand on regarde l’entraîneur du RB Leipzig : Julian Nagelsmann a seulement 32 ans et est sans doute l’un des plus prometteurs successeurs du « Professor » Ralf Ragnick, ancien entraîneur du RB Leipzig par ailleurs, dans une école allemande hyper pointue.

Crédit photo : AFP/KRUGFOTO

Si cette jeunesse est si forte, c’est parce qu’elle est le cœur de la stratégie de Red Bull. La firme a fait le choix d’être un club « valorisateur », comme peuvent l’être Porto ou Lille, et a donc su développer de véritables couveuses de talent. Avec une nouveauté : l’entreprise possède plusieurs clubs ! Les réseaux entre Red Bull Brasil – filiale brésilienne –, FC Salzbourg et le RB Leipzig sont très importants. Cela permet d’éliminer les intermédiaires ; tout est réalisé dans un circuit de différentes filiales de la même entreprise. Le « produit » que représente le joueur est donc testé, formé puis utilisé en équipe première, qui est ici le RB Leipzig.

Crédit photo : Getty Images

Pour exemple, le jeune latéral brésilien Bernardo, désormais au RB Leipzig. Formé dans la filiale brésilienne de Red Bull, il a été progressivement intégré dans l’équipe première de Salzbourg, où les attentes et la pression sont moindres qu’au RB, lui permettant de parfaire sa formation. Il est désormais dans le club allemand. Un autre exemple, plus dans la logique de club valorisateur, est celui de Naby Keita. Recruté à Istres pour 1.5 millions d’euros, il a été formé au Red Bull Salzbourg, avant de passer au RB Leipzig. Il a par la suite été vendu pour plus de 60 millions d’euros au club anglais de Liverpool, qu’il a rejoint à l’été 2018. Naby Keita est le premier « retour sur investissement » de Red Bull, qui a injecté beaucoup d’argent dans le football, et qui souhaite désormais récolter ses premiers bénéfices.

Quelles perspectives pour cette saison européenne ?

Après avoir longtemps parlé stratégie marketing et caractéristiques de jeu, intéressons-nous finalement à quelque chose de plus prosaique : les chances européennes. Salzbourg est dans une poule compliquée, avec Naples et Liverpool. Néanmoins, leur chaude ambiance à domicile ainsi que leur insouciance peuvent gêner les deux grosses écuries. On l’a vu avec leur match à Anfield : l’équipe est décomplexée, mais manque tout de même cruellement d’expérience à ce niveau. Néanmoins, s’ils restent costauds chez eux, l’exploit est possible. Sinon, la Ligue Europa s’ouvrira à nouveau à eux et il y aura un vrai coup à jouer pour les hommes de Jesse March.

Pour le RB Leipzig, la donne est différente : placés dans le groupe le plus abordable de la Ligue des champions, leur victoire à Benfica les mettait directement en bonne position pour une qualification en huitièmes. Mais deux grosses erreurs contre Lyon à domicile mettent en avant un criant manque d’expérience également. Néanmoins, elle a encore largement les moyens de s’offrir un huitième de finale, si elle réussit à vaincre le Zénith.


Le FC Salzbourg et le RB Leipzig sont deux équipes qui jouent pareil, qui sont habillées pareil et qui possèdent la même maîtresse : Red Bull. La marque au taureau ailé se sert de ses clubs comme entreprises lui permettant de se faire (bien) voir au sein du sport globalisant, globalisé et hyper médiatique qu’est devenu le football. Footballistiquement parlant, les deux équipes envoient. Reste à savoir maintenant si cet état de grâce va continuer en Ligue des champions, véritable objectif pour Red Bull. Leur ambition et insouciance tranchent avec un manque d’expérience sur la plus belle scène européenne, qui pourrait leur porter préjudice. Début de réponse, ce mercredi.

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