Tactique

Quel système de jeu pour le Napoli de Gattuso ?

Dans la plus insolvable des impasses tactiques de cette saison de Serie A, le Napoli se cherche toujours un style de jeu adapté à ses forces et faiblesses. Incapables de prendre leurs responsabilités, les joueurs font face à des critiques de plus en plus vives de la part des analystes comme des tifosi. Pourtant, intrinsèquement, cette formation napolitaine dispose de l’un des meilleurs effectifs du championnat. Et si le problème venait tout simplement d’un système de jeu défaillant ? Quand l’animation est en panne, le système n’est pas toujours à blâmer, certes. Mais dans ce cas précis Gennaro Gattuso peut remédier aux difficultés de son équipe par quelques ajustements tactiques relativement simples. Brève analyse des solutions à disposition du technicien italien…


Un 4-3-3 pointe basse gage de stabilité ?

Le système de jeu est avant tout une représentation de la disposition des joueurs en phase défensive. Et justement, le Napoli a besoin de réapprendre à défendre collectivement, en bloc, tout en ne nuisant pas à sa créativité offensive. Habitué à un système promouvant une ligne de 4 milieux de terrain depuis l’entame de la saison, le Napoli d’Ancelotti a échoué aussi bien dans la création que dans la solidité défensive. Le remède peut donc passer par un remaniement dans l’entrejeu. En premier lieu, il est temps d’en finir avec la paire Fabian-Zielinski, qui est une aberration tactique sans nom, voire une insulte au football. Depuis quand se passe-t-on d’un récupérateur dans un championnat aussi centré sur les transitions rapides Mister ? Avec le départ de Diawara pour la Roma, Allan fait office de seule vraie sentinelle capable de contenir les assauts adverses. De par son profil tant recherché, le brésilien se rend ainsi indispensable au sein d’un effectif dégarni dans l’entrejeu.

Le passage à un trident pointé vers le bas au milieu permet donc au trio Allan-Fabian-Zielinski de jouir d’un équilibre certain, tout en offrant aux deux derniers une grande liberté de mouvement qui leur fut amputée par le 4-4-2 plat d’Ancelotti. Positionnés dans un rôle de véritable rampe de lancement, ils seront ainsi chargés d’alimenter les ailiers rapides et techniques que sont Lorenzo Insigne et Irwing Lozano. Car oui, à terme, exit Mertens et Callejon du 11 titulaire. Pourquoi ? Tout simplement parce-que le 4-3-3 permet aux attaquants excentrés de se décharger d’un travail défensif pesant lorsqu’ils sont alignés en tant que milieux excentrés (dans le 4-4-2 ou le 4-4-1-1 du début de saison). Lozano est un ailier de talent, jeune mexicain virevoltant à l’avenir radieux. Sauf que face à l’impossibilité de le positionner milieu droit de par son repli défensif insuffisant, le Mister a choisi de lui donner sa chance dans l’axe en compagnie de Mertens, qui au passage est tout sauf une pointe, ou bien Insigne, qui répétons le une bonne fois pour toutes est un ailier. Un retour sur l’aile lui permettra, tout comme pour l’intertnational italien et capitaine en club, de retrouver ses sensations d’attaquant et apporter une vitesse d’exécution précieuse aux offensives du Napoli.

Enfin, pour encadrer cette ligne d’attaque, la présence d’un vrai 9 s’impose. Milik en pointe, Llorente en supersub et basta. Seul attaquant chirurgical devant le but, le polonais est incontestablement le meilleur 9 dont dispose le Napoli aujourd’hui et son récent état de forme plaide en sa faveur. Mertens est quant à lui trop inconstant et inadapté à ce système tandis que Callejon se fait trop vieux pour évoluer à des postes aussi offensifs. Défensivement, une ligne de 4 composée de la charnière Koulibaly-Manolas semble logique, avec Di Lorenzo couloir droit et Ghoulam à gauche. L’algérien est nettement plus talentueux que Mario Rui et si les blessures l’épargnent lors de la phase retour il sera certainement indiscutable à ce poste, tandis que l’italien arrivé en provenance d’Empoli s’est imposé devant un Malcuit trop fragile et un Hysaj à l’image de Mertens : trop inconstant. Un comble pour un défenseur.

Le Napoli en 4-3-3

Le 4-4-1-1 comme pour plébisciter la continuité ?

Si le passage au 4-3-3 risque de marquer une rupture tactique aussi violente dans le changement de système que dans le changement d’animation, le choix du 4-4-1-1 comme alternative au 4-4-2 traditionnel d’Ancelotti peut paraître pertinent. Orienter l’équipe vers une amélioration de son fond de jeu par une refonte totale de son animation tout en conservant un système presque similaire en somme. A raison ou à tort, Gattuso semble d’ailleurs avoir opté pour cette option lors de son premier match face à Parme.

Cette fois-ci, on opte pour un tandem au milieu qui oblige le technicien à trancher entre Zielinski et Fabian pour trouver le partenaire d’Allan. L’espagnol jouit de notre préférence au vu de sa faculté à assumer le rôle de dépositaire du jeu de son équipe. Sur les ailes, Insigne sera contraint à un travail défensif nettement supérieur mais Gattuso ne dispose d’aucune autre option crédible sur ce couloir gauche tant Amin Younès est à des années lumières du niveau de l’équipe. En revanche, Lozano perd sa place dans cette optique au profit d’un José Callejon qui sera plus à l’aise dans ce rôle médian d’interface entre la défense et l’attaque. Aux avants postes, Mertens entre également dans le 11 en soutien de la pointe pour apporter son savoir faire dans les 30 derniers mètres. En méforme tout comme Insigne cette saison, l’international belge jouit ici d’un système tactique correspondant parfaitement à ses qualités et parfois même adapté à son style de jeu.

Enfin, la ligne défensive reste inchangée bien que Mario Rui soit une option plus viable à gauche que dans le 4-3-3 lorsque l’on prend en compte son entente avec Insigne. Le jeune portier italien Meret a également notre préférence par rapport au colombien Ospina. Plus talentueux, plus jeune, et nettement plus impliqué, le nouveau protégé de Mancini et de la Squadra Azzura incarne l’avenir d’une formation de plus en plus viellissante. En termes d’animation de jeu, on préférera ici mettre l’accent sur les transitions rapides plutôt que sur la possession de balle qu’induit le 4-3-3. Parallèlement, Gattuso miserait certainement dans ce système sur un bloc haut et un pressing intense, favorisant le positionnement de sa ligne défensive sur la ligne médiane. On aurait ainsi un Napoli plus agressif et capable de remédier à ses problèmes de création.

Le Napoli en 4-4-1-1

Et si Gattuso faisait preuve d’un peu d’audace ?

Pourquoi se limiter tactiquement et s’imposer une défense à 4 ? Lorsque l’on a vu les exploits offensifs de Giovanni Di Lorenzo, tout à fait en mesure d’évoluer un cran plus haut, et que l’on connait les qualités offensives de Mario Rui, un système à 3 centraux encadrés par deux pistons est parfaitement envisageable. Derrière, la charnière Koulibaly-Manolas a souvent fait défaut dans l’axe, notamment à cause de sa mauvaise gestion de la profondeur et sa difficulté notable à gérer les pointes positionnées haut sur le carré vert. L’entrée de Maksimovic dans le système permettrait ainsi d’apporter plus d’équilibre dans la largeur, tout en écartant les latéraux devenus pistons. Dans l’entrejeu, Fabian semble ici nettement moins adapté à une animation avec ballon fondée sur des transitions longues et la recherche constante de la profondeur. De sorte à ce que le Napoli conserve un équilibre certain dans les phases avec ballon, il est donc nécessaire de disposer d’un milieu qui se projette et occupe l’espace axial en soutien du 9, tandis que l’autre conserve un positionnement proche de Maksimovic. Bienvenue à l’investiture de la paire Allan-Zielinski !

Le front de l’attaque doit en revanche être constitué de vitesse de percussion et de contrôle de la largeur. Afin de permettre aux créateurs reculés de participer au jeu, Milik ou Llorente doivent être positionnés en pointe et se relayer dans le match car Gattuso leur demandera certainement des efforts colossaux. Sur les ailes, Lozano et Insigne partent titulaires. Le mexicain n’est que très peu concurrencé par un Callejon dépassé si le jeu napolitain repose sur des longs ballons et une activité offensive démesurée en contre, tandis que Mertens peut représenter une alternative à l’international italien dans la mesure où il incarne une possibilité de repiquer dans le cœur du jeu et créer une asymétrie volontaire en phase de possession. Lorsque le Napoli contre-attaque, la projection de l’ailier gauche peut ainsi se faire vers l’axe et offrir un soutien au 9, tout en ayant en parallèle une course dans le dos de la ligne défensive adverse assumée par l’ailier droit. Une stratégie aussi simple qu’efficace face à un bloc désorganisé.

Dans un tel système, Gattuso opterait très probablement pour un bloc médian voire bas, relativement étiré sur la largeur tout en s’assurant que la distance entre ses joueurs soit limitée à 4-5 mètres. On aurait le droit à une refonte totale du style de jeu actuel pour laisser place à une possession plus limitée et moins stérile qu’actuellement, et des phases offensives majoritairement constituées de contres et de phases de transitions longues et rapides. Peu de redoublements de passes, plus de libertés individuelles et de place pour les exploits individuels également, et surtout l’occasion de profiter de la présence d’un pivot pour allonger et jouer en déviation. Défensivement, plus besoin de jouer la zone : un marquage individuel couplé à un pressing de tous les instants devrait dissuader les offensifs adverses de défier l’arrière-garde napolitaine.


En somme, de multiples options s’offrent à l’ancien technicien milanais, dont la charge actuelle reste de relancer cette formation napolitaine à la dérive. Une tâche qui s’avère particulièrement compliquée au vu du déficit global de confiance dont souffre son effectif, mais qui est loin de relever de l’irréalisable tactiquement. Au contraire, dans le football, les solutions les plus simples sont parfois les meilleures, comme le soulignait un certain Johan Cruyff en son temps…

Jules Grange-Gastinel

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