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Jean-Michel Aulas : l’homme qui murmurait à l’oreille du Lyon

C’est incontestablement un monument du football français. Adulé, détesté, admiré, insulté : Jean-Michel Aulas est un personnage clivant et atypique. Il n’en est pas moins respecté par tous pour le travail titanesque qu’il a réalisé : ramener l’Olympique Lyonnais de la D2 à la demi-finale de la Ligue des Champions.


Les prémices du projet Aulas (1987-1991)

Trente-deux années ont passé depuis ce lundi 15 juin 1987. Un lundi qui a vu un jeune entrepreneur de 38 ans devenir le huitième président de l’Olympique Lyonnais. Jean-Michel Aulas, aucune expérience dans le football, l’ignorait alors mais il venait de se lancer dans le projet de sa vie. Aulas a décroché le poste un peu par hasard, proposé publiquement par un certain Bernard Tapie, alors président de l’OM. Ses compétences entrepreneuriales et son amour du football avaient tapé dans l’œil du président phocéen. Et également dans ceux de la direction lyonnaise qui n’a pas hésité à lui confier les rênes du club.

Néanmoins, Aulas ne prend pas les commandes d’un club florissant. L’OL est alors en D2 depuis quatre ans et ses finances sont dans le rouge. Pas découragé pour autant, Aulas annonce un plan très ambitieux: ramener l’OL en Coupe d’Europe en trois ans. Bien qu’il reconnaisse aujourd’hui malicieusement que c’était plus un coup de marketing qu’un véritable plan stratégique, JMA a réussi son pari. Le club remonte en D1 en 1989 et retrouve la Coupe de l’UEFA en 1991. Une belle histoire, certes, mais qui n’a pas duré, le club échappant de peu à la relégation la saison suivante.

Aulas présenté à Gerland en 1987 par son prédécesseur, Charles Mighirian

Apprentissage et développement (1992-2000)

Après quelques saisons d’apprentissage dans le ventre mou du classement, l’OL revient fort en prenant la deuxième place du Championnat en 1995 derrière l’intouchable FC Nantes. Le club fait également un beau parcours en Coupe de l’UEFA, rejoignant les huitièmes de finale après avoir sorti la Lazio Rome. Alors porté par une jeune génération issue de son centre de formation (notamment Florian Maurice auteur de 15 buts), l’OL entrevoit sereinement l’avenir.

Ainsi, Aulas profite des bonnes performances du club pour créer une holding en 1999 : OL Groupe. La société gère le club et ses filiales, JMA en est logiquement le PDG. La création d’OL Groupe permet au groupe Pathé d’investir. La firme injecte 104 millions de francs (environ 20 millions d’euros) et devient actionnaire à 34% du club. Aulas parvient, grâce à cet apport de liquidité à recruter un grand nom du football : le brésilien Sonny Anderson. L’attaquant arrive de Barcelone pour 120 millions de francs et Aulas en fait rapidement le visage de son ambition. Le Brésilien ne décevra pas et tirera l’OL vers le très haut niveau.

Sonny Anderson, la superstar attirée par Jean-Michel Aulas

L’OL au 7ème ciel (2001-2008)

La suite est connue de tous. Pendant 7 ans l’OL ne va rien laisser à ses adversaires. Portés par Sonny Anderson, Juninho, Cris ou Benzema, tous des légendes vivantes dans le Rhône, le club remporte sept titres de champion consécutifs. Aulas est un président comblé, mais qui ne s’arrête pas là. Il souhaite faire de l’OL est un des plus grands clubs d’Europe. Ainsi, il rejoint le G14, un groupe des quatorze plus gros clubs européens. L’OL d’Aulas s’invite à la table des grands et JMA présidera même le G14 avant sa dissolution en 2008.

Cependant, malgré son écrasante domination nationale, l’OL ne parvient pas à réaliser de grandes performances sur la scène européenne. Les entraîneurs défilent sur le banc lyonnais. Cette instabilité est souvent imputée à Bernard Lacombe, historique bras droit d’Aulas, qui s’implique beaucoup (trop?) dans le sportif. Jacques Santini, Paul Le Guen, Gérard Houllier et Alain Perrin se succèdent, sans parvenir à franchir les quarts de finales de la Ligue des Champions.

Alors que son équipe tourne à plein régime, Aulas se lance dans la création d’une section féminine. Celle-ci voit le jour en 2004, en remplaçant le FC Lyon et JMA déclare rapidement avoir de très grandes ambitions pour cette équipe. Aussitôt dit, aussitôt fait : entre 2005 et 2007, les lyonnaises disputent trois finales de Coupe de France et remportent leurs premier titre de Championnes en 2007. Le premier d’une série de treize sacres consécutifs qui ne semble pas prête de s’arrêter. Jean-Michel Aulas a toujours été considéré comme un grand artisan de cette réussite et un des précurseurs du développement du football féminin en France .

L’OL remporte son septième titre consécutif lors de la saison 2007-2008.

Épopées européennes et nouveau stade (2008-2019)

Le retour sur terre est difficile pour l’OL qui perd sa septuple couronne en 2009. Aulas dépense beaucoup d’argent pour renforcer l’effectif mais l’hégémonie lyonnaise a (définitivement?) pris fin. L’unique performance notable est le parcours européen réalisé lors de la saison 2009-2010 : l’OL sort le grand Real Madrid, puis Bordeaux, avant d’affronter le Bayern Munich. Malgré une défaite logique, c’est un événement historique pour les lyonnais qui viennent de disputer la première demi-finale de Ligue des Champions de leur histoire.

Les années qui suivent sont une période de transition. Après avoir beaucoup dépensé, Aulas démarre une politique différente : vendre beaucoup, baisser la masse salariale et développer le centre de formation. Ainsi, les mercatos passent et aucune recrue de renom débarque dans le Rhône. A l’inverse, Lloris, Pjanic, Lisandro Lopez et bien d’autres s’en vont. Le centre de formation fourni alors quelques pépites qui auront leur chance sous le maillot lyonnais : Gonalons, Tolisso, Lacazette, Fékir ou Lopes, pour ne citer qu’eux, intègrent le groupe professionnel.

En 2016, Aulas inaugure son plus gros projet : le Parc OL. Une nouvelle enceinte de 60.000 places dont les travaux ont commencé quatre ans plus tôt. L’OL devient un des seuls clubs français propriétaire de son stade. Un nouvel écrin qui sied à merveille à l’équipe. En effet, le club atteindra les demi-finales de la Ligue Europa en 2017, après avoir éliminé notamment l’AS Roma et le Besiktas. Une nouvelle belle histoire qui ravit le président Aulas, lui qui rêvait de grandes aventures européennes dans “son” nouveau stade.

JMA devant le Parc OL, le plus gros projet de sa présidence.

Même si aujourd’hui l’OL n’est plus le Roi de France, destitué par l’ogre parisien, le club a connu la gloire ces trente dernières années. Parti de D2 pour finalement tutoyer les sommets européens, Lyon a bien évolué. C’est une réussite qui ne doit rien au hasard. C’est la réussite d’un homme : Jean-Michel Aulas. Entrepreneur méconnu, pistonné par Bernard Tapie en 1987, l’homme a fait du chemin. Il a apporté son brillant esprit et sa personnalité à son club. JMA a su insuffler un souffle nouveau, relançant la structure économique et innovant dans le domaine sportif. Certes, il est un brin provocateur et mauvais perdant. Certes, il est très incisif envers ses détracteurs. Mais qu’on l’aime ou qu’on le déteste,Jean-Michel Aulas mérite sa place à la table des monuments du football français.

Cyprien Juilhard

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