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Images, images, dites-moi qui est le plus raciste

Cela va bientôt faire dix jours, et pourtant l’affaire continue de squatter les gros titres sur nos réseaux sociaux. Le match PSG-OM qui s’est tenu le 13 septembre dernier a davantage été le lieu d’échanges peu courtois, d’insultes et de gestes s’apparentant davantage à un sport de combat qu’à celui du ballon rond. Si l’on dit qu’un classico n’en est pas un sans qu’il y ait un peu de « bagarre », là, pour le coup, c’était sûrement trop. Mais avec les rebondissements, les révélations quasi quotidiennes, les suspensions à gogo et autres commentaires de commentaires de commentaires… ça m’a donné envie d’en faire un, de commentaire, la tête reposée, je crois.


Cette rivalité a de quoi nous faire envie à chaque fois. Une rivalité qui donne du piquant au football. Cela faisait des années que les Marseillais n’avaient pas gagné. Et ce 13 septembre 2020, c’était le jour J pour eux. L’Olympique de Marseille s’est imposé : 1-0. Et oui, vous l’avez oublié le score ? Je comprends. En même temps, ce que l’on retient de ce match, ce sont les insultes, les coups bas, les coups tout court, trois cartons rouges, douze cartons jaunes et un scandale.

En fin de match, et pour le plaisir de certains, une bagarre éclate. Chahut, bousculade, rien de nouveau sous le soleil pour des matchs ayant cette aura. Et bien entendu, les cartons pleuvent. Mais cette fois-ci, tout va se prolonger lorsque Neymar Jr va accuser le joueur Alvaro Gonzalez d’avoir proféré des insultes racistes. L’information est reprise partout. Des experts labiaux sont dépêchés sur les plateaux de télévision, de radio, pour apporter leur analyse, une question est donc sur toutes les lèvres : il l’a dit ou pas ?

Des mots, des actes et des sanctions

Ouvrons une courte parenthèse : les insultes racistes sont sévèrement condamnées en France. Son auteur peut encourir jusqu’à 45 000 euros d’amende et 1 an de prison. 

C’est toujours délicat de parler de racisme. Dans le fond, on ne peut que le condamner, et à raison. Pourtant ici, on est sur un terrain de football, on sait ce qu’il s’y passe, on sait comment on déstabilise son adversaire. Il faut donc souffler cinq minutes, puis on discute. 

Tout d’abord, qui est étonné ? Qui parmi nous est réellement étonné que des joueurs adverses s’insultent ? Pour les plus jeunes d’entre nous, je vais vous raconter une petite histoire sur un chauve qui a pris un carton rouge pour un coup de boule pendant une finale de Coupe du monde, rien que ça. Quand on lui a demandé ce qu’avait dit l’Italien pour le pousser à bout, le Ballon d’or 1998 était resté muet, impassible, presque noble. Il avait accepté son erreur, accepté les conséquences, s’était excusé pour l’exemple qu’il avait donné aux plus jeunes qui le regardaient, l’admiraient. Pas une seule fois, il n’a voulu expliquer, excuser son geste en rapportant les propos qu’avait eu Materazzi à son égard.

Aujourd’hui, ce qu’il faut, c’est réfléchir au football que l’on veut voir sur nos terrains. Nous avons deux possibilités. La première peut paraître difficile à aborder mais elle a le mérite d’exister, on ne condamne rien. Je m’explique. Le football est devenu plus qu’un sport, beaucoup de coups sont permis et il n’y a rien de nouveau à insulter un adversaire pour le déconcentrer, l’attaquer psychologiquement. Pour certains même, c’est presque ton problème si tu ne le supportes pas, cela fait partie du très haut niveau, peu importe la discipline. Ce week-end dernier encore, le joueur de tennis Gaël Monfils publiait sur son compte Instagram les insultes racistes qu’il avait reçues d’inconnus après sa défaite à Rome. On y voyait de doux mots racistes enrobés d’une frustration mythique : les idiots en question avaient perdu un pari sportif et n’ont rien trouvé de mieux que de déverser de la haine pour calmer leurs pulsions d’enfants… Méchanceté à laquelle le numéro 9 mondial avait répondu avec ironie et détachement. Est-ce la clef finalement ? Se dire que ce « racisme » va faire partie du jeu quand on atteint le très haut niveau ? C’est une vision qui pourrait se défendre, même si ce n’est pas celle que j’affectionne le plus.

Prévenir ou guérir

Une autre possibilité serait la tolérance zéro. Une réelle tolérance zéro. Comme rappelé plus tôt, les propos racistes (à l’instar des propos homophobes) sont punis par la loi. Ce devrait donc être à la justice étatique de délibérer et non uniquement à la LFP. Je suis de cet avis et pour plusieurs raisons. La première est qu’il y a là un enjeu sociétal important. Le racisme doit être puni sévèrement et seules les juridictions d’État sont à même de faire appliquer des peines réellement sévères. Une deuxième raison est que les personnes concernées ne sont, hélas, pas n’importe qui. Ce sont des personnalités publiques, qu’elles le veuillent ou non. C’est pourquoi leurs actes et paroles sont d’autant plus importants. Ils influencent les masses de notre société. C’est pourquoi elles ne doivent pas passer à travers les mailles des filets. Elles ne doivent pas bénéficier de traitement de faveur aussi pour une troisième raison qui est l’égalité devant la loi. De simples civils encourent de lourdes peines pour des actes similaires ; par pure équité, nos protagonistes devraient recevoir des peines équivalentes.

Mais là, il y a un problème. Pour l’instant, aucune plainte n’a été portée devant le tribunal. Aucune. Ni d’un côté, ni de l’autre. Pourquoi ? Si les insultes racistes sont si graves à leurs yeux, pourquoi personne ne va jamais devant les tribunaux ? Sans tomber dans le complotisme à deux ronds, il faut quand même avouer une certaine hypocrisie de la part des clubs. Ce que l’on souhaite, c’est faire de la pub, affaiblir sportivement un adversaire sans jamais aller devant la justice. Car si la justice étatique vous donne tort, c’en est fini de vous et vos accusations. Qui prendrait ce risque ? Alors que faire suspendre tel ou tel joueur d’une équipe concurrente, c’est bien plus intéressant. Enfin, à l’heure où j’écris ses lignes, l’Olympique de Marseille affirme avoir transmis des vidéos montrant le Brésilien tenir lui aussi des propos racistes envers Sakai, défenseur phocéen. Sans que personne n’ait vu ces vidéos, sans que l’on soit bien sûr de leur pertinence, Twitter est déjà devenu un lieu de lynchage à l’égard du Parisien. Finalement, on s’en fiche pas mal que tel ou tel propos ait été tenu, ce qui compte, c’est que le public le croit, ce qui compte, ce sont les rumeurs.


A titre personnel donc, toute cette affaire n’est qu’une dispute entre clubs, le racisme étant un prétexte à tout ce cirque. Et puis, l’oncle d’Alvaro nous a dit la vérité comme nous rapporte BFM TV : « Le meilleur ami d’Alvaro à l’Espanyol (son ancien club) était Caicedo, un joueur noir ». Tout à fait.

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