Le Hyères FC, entre ciel azur et palmiers
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Hyères FC, le football à l’ombre des palmiers

Si je dis Hyères-les-Palmiers, vous pensez d’abord à la mer, au soleil, aux vacances ? Pourtant, au bord de la Méditerranée, une équipe azuréenne fait son bonhomme de chemin avec une dixième saison consécutive en N2. Un exploit à la mesure du Hyères FC, club familial du Var entraîné par un attaquant bien connu des années 2000, Lilian Compan. Immergez-vous en compagnie du coach Compan, accompagné par Steven Billieres et Maxime Ranucci, respectivement responsables de la com’ et des féminines, dans un club qui effectue ses stages de cohésion sur l’île de Porquerolles


Un cadre peu commun

A la pointe sud de la Côte d’Azur, Hyères offre un cadre hors norme pour quiconque aime le soleil en toute saison. Troisième ville du département du Var par sa population, blottie entre sa baie et quelques collines, elle est dominée par les imposants vestiges de son château médiéval. Trônant fièrement depuis plus de 800 ans sur son piton rocheux face à la Méditerranée, il rappelle la position stratégique de la cité. Colonie grecque dont les fouilles sur le site d’Olbia n’ont pas encore révélées tous leurs secrets, romaine par le témoignage de l’oppidum voisin, Hyères est riche d’une identité plurimillénaire.

Au pied du massif des Maures, célèbre pour ses châtaigneraies, la ville prend son essor contemporain par ses établissements de cures thermales. Station balnéaire renommée, elle conserve de cette époque plusieurs villas de maître classées et quelques visiteurs de marque. De son séjour en 1883 dans la cité, RobertLouis Stevenson se souviendra : « Heureux, je le fus une fois et ce fut à Hyères ».

Plage à Porquerolles
Et vous, vous les faites où, vos stages de cohésion d’équipe ? © B.L.

Mais les richesses de la mer comme de la terre contribuent le plus à la renommée internationale de la ville. Bordée par les Îles d’Or telle que Porquerolles, ses salins sur la presqu’île de Giens puis ses palmeraies font la renommée de Hyères-les-Palmiers. Malgré plusieurs tacles appuyés sur le charançon rouge, ce papillon reste le premier défi face aux ravages causés aux palmiers. Mais avec 100 000 plants annuellement produits, cette culture demeure proéminente.

Le sport y occupe également une place non négligeable. Européenne par les flamboyants résultats de son club de basketball, le Hyères-Toulon-Var Basket, la ville connut aussi la gloire par son club de foot. Aujourd’hui en National 2, le Hyères FC aspire à grandir dans ce cadre idyllique, en dépit de moyens limités.

Ère professionnelle, Nestor Combin et Coupe du monde de foot amputée

Fondé en 1911 par le docteur Barthélémy Perruc, le Hyères FC possède un riche passé. Affilié à la FFF en 1919, le club est, sous l’impulsion de son président, partie prenante du premier championnat professionnel de football français. Le Sud-Est y est bien représenté avec les Olympiques d’Antibes et de Marseille, l’AS Cannes, l’OGC Nice et le Hyères FC, soit un quart des clubs en lice.

Cependant, l’ambition professionnelle tourne court. Déjà à l’époque, la question financière est centrale. « Il fallait payer un droit d’entrée pour participer au championnat professionnel. Financé durant deux saisons par le président Perruc, ce dernier ne pouvait y subvenir durablement. Cela nous a conduit à quitter le monde professionnel », relate Steven Billieres, responsable com’ du club.

Cela n’empêche pas le club de briller par intermittence, remportant notamment le championnat de France amateur 1950 sous la houlette de Gaby Robert. Avec onze saisons en deux phases sur le banc du stade Perruc. Preuve de sa reconnaissance, son nom passa dans la postérité, adossé aux U13 de la ligue Méditerranée. Enfin, le club connait également la gloire en 1975 lorsque le président Bertolino parvient à faire venir au club, pourtant en DH, l’un des plus grands joueurs français d’alors : Nestor Combin. Un an après avoir été sacré meilleur buteur de D1 avec le Red Star, « La Foudre » s’abat en Provence et termine sa carrière à Hyères.

De Nestor Combin à Jérôme Raffetto, un destin tricolore. (créd. J.R et Moselle Sport).
De Nestor Combin à Jérôme Raffetto, un destin tricolore. © J.R et Moselle Sport

L’environnement joue en sa faveur selon son coach, Lilian Compan : « Ayant connu plusieurs clubs et régions, le cadre extérieur, notamment pour l’extra sportif, est un réel vecteur d’attrait ». Mais c’est bien la dimension familiale qui constitue le vrai atout local. « De nombreux éducateurs sont au club depuis qu’ils ont commencé à entraîner », relève Maxime Ranucci, responsable des féminines. « Les joueurs passés par le club, de tous les âges, continuent de venir au stade Perruc, preuve que le club tisse un lien solide avec de nombreuses générations », ajoute-t-il. Un point de vue partagé par Compan : « Il faut garder ces valeurs, poursuivre notre progression tout en gardant cette identité ».

La grande famille du Hyères FC a également de la mémoire et n’oublie pas ses anciens, notamment lorsqu’ils sont frappés par la vie. Un cas concret : celui de Jérôme Raffetto. Jouant en CFA2 avec l’équipe fanion lors de la saison 2005/06, celui-ci perd une jambe dans un accident de la route. Même amputé, Raffetto persévère. Loin d’abandonner le football, il participe même avec l’équipe de France pour amputés à la Coupe du monde 2019 au Mexique, remportée par l’Angola. Une leçon de courage et d’abnégation pour celui qui affectionne les reprises de volée et a donné le coup d’envoi du match de Coupe de France entre son ancien club et le FC Istres en septembre dernier.

En N2 depuis maintenant dix saisons après une pige en National lors de la saison 2009/10, « le club est l’un des plus réguliers à ce niveau en dépit de ses moyens. Nous sommes heureux de participer à sa pérennisation », souligne Steven Billieres.

Un club ambitieux aux moyens limités

Le retour au club du Hyérois Lilian Compan, plus de 15 saisons et 100 buts chez les pros, dynamise son développement. Depuis mai 2018, Compan est plus qu’un entraîneur de la N2.  « Je suis content d’avoir une multitude de casquettes : entraîneur, manager, recruteur. Pas besoin de fiche de travail pour que je touche tous les points du club. Je m’engage même pour trouver des sponsors. Par envie et passion pour le club, j’ai envie d’avancer et de grandir avec. Ce n’est pas tous les jours faciles mais, comme sur le terrain, je reste généreux et combatif ».

Une hargne que l’entraîneur insuffle à son groupe, assuré du maintien en N2. « Tout au long de la saison, il faut être compréhensif. L’important est de trouver un équilibre entre rigueur et compassion. Dans le monde pro, tout est mis en place pour les joueurs. Ici c’est l’inverse, il faut accepter que certains joueurs arrivent à l’entrainement en étant fatigués de leur journée de travail », analyse Compan.  

Neuvième avec 25 points, l’équipe a connu une saison faite de hauts et de bas. Le Hyères FC commence par 7 matchs sans défaite, seulement 2 buts encaissés et accroche l’actuel leader Annecy. « Mais on ne peut tenir ce rythme que de manière ponctuelle », tempère Compan. La faute notamment aux blessures, méformes et suspensions. Elles ont contraint le coach à opter régulièrement pour un 3-5-2 en première partie de saison, lui qui affectionne le 4-3-3, afin de mettre les joueurs disponibles dans les meilleures conditions.

Une première défaite en Coupe de France contre le FC Istres de David Gigliotti, puis en championnat contre le MDA Chasselay entraîné par Cris, brisent la belle série hyéroise. Un match qui donne l’occasion à Compan de recroiser l’ancien défenseur de l’OL.

Cris et Compan, deux entraineurs ambitieux œuvrant en N2. (créd. JRG).
Cris et Compan, deux entraîneurs ambitieux œuvrant en N2. © JRG

Leur dernière rencontre remontait à 15 ans, un match perdu 3-2 par l’ASSE de Compan à Gerland, au cours duquel l’actuel coach varois avait marqué puis s’était fracturé la jambe dans un contact avec Cris. « Je ne crois pas qu’il s’en souvienne », glisse Lilian Compan. Et d’ajouter sans langue de bois : « Je dirais que c’est un clin d’œil de le retrouver ici, avec un très bel état d’esprit. Les derbys étaient certes très importants pour nous, on se rentrait dedans pendant 90 minutes, mais il y avait aussi une vie après. Je trouve que la haine a pris beaucoup trop le dessus. Tout ce qui est en dehors du terrain, c’est trop ».

Trop longue également, la série noire dans le rude automne que vit le Hyères FC. Cinq défaites consécutives, aucun but marqué pour 11 encaissés. Le gardien Jérôme Scolan, l’un des tauliers du groupe, fait pourtant des miracles dans les buts. Passé par Clermont Foot, ce portier de 31 ans est à l’origine du regain de forme connu au cœur de l’hiver, notamment une victoire sur la réserve de l’OM avec un penalty stoppé. Hyérois, comme son coéquipier du milieu de terrain Morgan Pottier, « un milieu à fort potentiel technique qui n’a pas eu la chance d’aller en pro » mais blessé plus de 2 mois. Ces joueurs du cru sont un repère important pour le coach Compan.

Le club s’attelle également à faire émerger de jeunes joueurs varois, comme l’attaquant Pierre Kohser : « De l’ES Bessillon en poussin à Carcès jusqu’à Hyères en N2, j’ai franchi les étapes une à une. Le coach Lilian Compan et Mickaël Blanc cherchaient à recruter des jeunes joueurs “du pays” n’ayant pas forcément l’expérience exigée mais motivés pour progresser et atteindre le niveau nécessaire ». Une aubaine pour celui qui a flambé en R2 avec La Valette-du-Var en 2018-19, avec 15 buts en 17 matchs : « En échange de cette chance qui nous est donnée, le président et l’entraîneur sont clairs : on doit d’autant plus faire honneur aux valeurs du club et de la tunique qu’on porte. Ça me correspond d’autant plus que je me suis toujours battu, ai travaillé et progressé grâce à mes entraîneurs, pour gagner ma place dans les clubs où j’ai joué. On mouille le maillot pour le coéquipier, on se dépasse et surtout, on sort du terrain sans regrets !» ajoute le numéro 9 hyérois.

Dynamiser l’attaque, un enjeu de taille pour le jeune n°9 du club, Pierre Kohser. (créd. JRG).
Dynamiser l’attaque, un enjeu de taille pour le jeune n°9 du club, Pierre Kohser. © JRG

Un investissement général qui permet à l’équipe de bien terminer la saison avec deux victoires, dont une contre le quatrième Moulins-Yzeure, et un nul. Un bilan positif dont il faudra tirer les conclusions la saison prochaine. « Comme mon président Jean-Pierre Blasco, je suis d’avis de mettre l’accent sur la discipline et le recrutement », annonce Compan. Avec un jeu athlétique assez physique et quelques cartons évitables, le bilan des expulsions (plus de 8) a lourdement pénalisé le groupe. Mais le principal défi reste le marché des transferts estival.

« Tout le monde pense qu’on a les moyens d’un club de milieu de tableau, alors que nous avons l’un des plus petits budgets de N2 tous groupes confondus », corrige le coach Compan. « Il n’est jamais suffisant, on a à peine deux contrats fédéraux, et chaque saison est un défi pour dessiner le groupe qui évolue en N2 ». D’autant que les clubs voisins comme le Sporting Toulon (N1) et l’Etoile Fréjus Saint-Raphaël (N2) ont un budget qui se chiffre en millions d’euros, quand celui du Hyères FC se limite à 750 000 euros. Une difficulté supplémentaire pour renforcer un secteur offensif en disette, avec seulement 15 buts marqués cette saison – soit 0,62 par match.

Pour Compan, ancien attaquant, « faire venir des joueurs offensifs à des sommes moindres est compliqué. Par exemple, appeler Anthony Le Tallec (qui joue au FC Annecy cette saison) aurait été possible, mais quand on doit recruter malin, pas cher, on ne peut pas viser ce type de joueur et rivaliser avec Annecy. Je vais chercher mes joueurs en Régional 1 et 2. Ma fierté est qu’après deux ans en club, je parviens à en faire des joueurs confirmés de la division. Je suis également content quand un adversaire me dit que ça joue au foot chez nous, d’être parvenu à casser l’image défensive qu’avait l’équipe par le passé ».

Poursuivre la progression autour de 2 piliers : la régularité et la stabilité

La générosité, à défaut de moyens financiers, ne manque pas au Hyères FC. Maxime Ranucci, jeune responsable de la section féminine, raconte son quotidien riche : « Le club est un emblème de la ville, même si on espère davantage de soutien financier de la part d’acteurs publics comme privés. Engagé depuis trois saisons avec les féminines, il a fallu tout construire, des U6 aux seniors ».

La satisfaction est encore plus grande quand l’effort est récompensé. « Dès la première saison, les U18 remportent le championnat féminin du Var à 8 ! Nous avons créé une équipe compétitive, jouant notamment contre des clubs des Alpes Maritimes. Nous sommes allés, jusqu’à Menton, à 150 km, un sacré défi logistique ». La victoire n’en est que plus belle.

La section féminine progresse sous la houlette de Maxime Ranucci
La section féminine progresse sous la houlette de Maxime Ranucci. © JRG

Plusieurs joueuses passent les détections pour l’équipe féminine de la ligue Méditerranée. Une joueuse du cru évoluant à présent à l’OL et en équipe de France U20, Eva Kouache, est devenue marraine de l’équipe. « Même Vianne Nepstad, une joueuse allemande d’un super niveau en échange scolaire dans le coin, est venue jouer avec nous car elle a entendu parler positivement du club ! » se satisfait le responsable des féminines.

« Il est essentiel de créer un cadre convivial, d’être à l’écoute, parfois dans un rôle de grand-frère, voire de psy. Nous sommes ouverts aux joueuses de tous les niveaux, même avec un handicap car cette diversité fait notre richesse ». Une motivation qui contraste avec celle de nombreux parents de joueuses, peu enclins à s’engager. « Bien sûr, la Coupe du monde féminine a donné un élan certain, mais là où les parents sont trop présents avec leurs enfants dans le foot masculin, il le faudrait davantage dans le foot féminin ».

Et d’enchaîner, amer : « Je suis tellement heureux qu’on ait enfin un Ballon d’or féminin, mais je souhaiterais surtout voir plus d’entraîneurs et dirigeants féminins. Qui plus est dans le Sud-Est où le football féminin est vraiment en retard ».

Mais la détermination de Maxime Ranucci reprend rapidement le dessus, avec « l’occasion pour moi de féliciter encore tous ceux au club qui permettent à cette section de se développer ». En ligne de mire, le label or de la ligue, prochaine étape après le label argent obtenu cette saison par les féminines du Hyères FC. « Pour ça, il nous faudra notamment développer le foot à 11 : je recherche encore des joueuses ! » annonce-t-il. Le message est passé.

Néanmoins, grandir plus largement implique au club de trouver de nouveaux partenaires alors que « le budget provient dans sa grande majorité de subventions. Nos sponsors nous apportent également un soutien financier important  » souligne Steven Billieres. « Heureusement, nos partenaires sont fidèles et nous les apprécions pour cela, la plupart d’entre eux nous accompagnent depuis de nombreuses saisons ».

L’apport de Compan, franc, est à nouveau décisif, notamment auprès de proches de ses joueurs. Maxime Allione, jeune latéral gauche recruté cette saison, a ainsi vu son père, directeur d’une concession locale, devenir sponsor du club. Une situation qui n’aurait peut-être pas aboutie sans l’apport de Compan, tant la situation est cocasse.

Le Hyères FC et le MHSC officialisent leur partenariat au stade Perruc. © JRG

Le club présidé par Jean-Pierre Blasco peut également compter sur le réseau de son entraîneur, comme le traduit un partenariat avec le Montpellier HSC. « Une fierté alors que le club héraultais est très sélectif dans ses choix de partenaires », sourit le coach hyérois. Une aubaine pour les jeunes du club pouvant ainsi participer à des détections, mais aussi pour faciliter l’ascension des meilleurs joueurs de l’équipe fanion.

“Sans le foot amateur, le foot pro n’est rien, alors pourquoi ne pas le soutenir ?”

Lilian Compan

« Ça nous permettra d’éviter une situation aussi rocambolesque que celle de Yohan Brun », espère Compan en faisant référence à un jeune joueur repéré par le Grenoble Foot 38 la saison dernière. « Le hasard fait que l’on tombe contre eux lors de notre épopée en 64ème de Coupe de France, un match où Yohan est étincelant », ajoute Steven Billieres. Et le joueur d’y signer sans rapporter le moindre centime aux caisses du club. Une situation que dénonce Lilian Compan : « Cela me révolte, surtout pour un club professionnel avec plusieurs millions d’euros de budget. Sans le foot amateur, le foot pro n’est rien, alors pourquoi ne pas le soutenir ? ».

En plus de travailler pour maintenir les joueuses et joueurs physiquement à niveau, le club œuvre dès à présent pour ne pas rater son prochain recrutement. Les ajustements hivernaux fructueux, avec l’arrivée de trois joueurs, ne doivent pas devenir une norme. « Le mercato nous permet cependant de signer des joueurs que l’on n’aurait pas pu attirer en début de saison », confie Compan.

De son côté, Steven Billieres s’engage quotidiennement pour maintenir un engouement certain autour des différentes équipes. Présent sur les réseaux sociaux, le respo com’ du Hyères FC fait preuve d’inventivité. « Pour écouler le stock de produits à l’effigie du club à l’automne dernier, j’ai eu l’idée d’organiser une vente lors du Black Friday. Une vraie réussite dans l’air du temps », sourit-il.


A l’ombre des palmiers, le Hyères FC savoure son caviar tout en œuvrant malgré les incertitudes liées à l’épidémie de Covid-19. « Je ne suis pas en vacances ! » précise Lilian Compan. « J’anticipe et prépare les plannings d’entrainement des éducateurs de la saison prochaine et le recrutement, garder le groupe uni, je ne touche pas terre ! Mais je continue à m’ouvrir car l’échange est important dans la vie ». Une philosophie idoine pour grandir encore et qui sait, un jour, retrouver le monde pro quitté presque un siècle plus tôt.

Thibaut Keutchayan

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