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Barça-Benfica : match couperet mouvementé au Camp Nou

En grande difficulté en Ligue des Champions, le FC Barcelone était presque obligé de l’emporter face au Benfica mardi soir s’il souhaitait se qualifier pour les huitièmes de finale. Mais malgré un 0-0 et une pluie torrentielle, l’aficion culé continue de retrouver le sourire devant ce nouveau Barça made in Xavi.

Mardi matin, 9h, aéroport de Beauvais. Les premiers passagers encore endormis entrent dans l’avion direction Barcelone. Une poignée nage à contre-courant. Un groupe d’amis de la banlieue parisienne prend la direction de la capitale de la Catalogne, pour supporter le Benfica. À douze heures du coup d’envoi de la rencontre contre le FC Barcelone pour l’avant-dernière journée de Ligue des champions, cette vingtaine de supporters franco-portugais se réclamant de la mouvance ultra réveille le cockpit avec ses chants. L’occasion pour certains voyageurs de découvrir l’affiche du soir-même et de pester contre ces Benfiquistas qui se muent en sono’ de l’avion pour les deux heures de vol.

Plaça Catalunya et Estadi Johan Cruyff

11h, l’avion atterrit sur la terre promise du jour. Un dernier chant à pleine voix pour le groupe d’origine portugaise, et chacun descend peu à peu pour fouler le sol catalan et vaquer à ses occupations. Les supporters portugais se sont eux donnés rendez-vous dans le coin de la Plaça Catalunya, dans un bar où chacun entre sans masque et enquille bière sur bière, jusqu’à se prendre la tête avec les autorités locales. Le ciel s’assombrit et pluie commence à s’abattre sur Barcelone. Les têtes enfouies sous les capuches, les Benfiquistas quittent la place catalane mythique direction le stade Johan Cruyff. Avant le grand match au Camp Nou, les U19 de chaque équipe s’affrontent en Youth League, et les supporters qui ont fait le déplacement ne manqueraient pour rien au monde l’occasion d’encourager les promesses du Seixal, le vivier de champions lisboète.

Une heure de trajet en train plus tard, les quelques supporters blaugranas se mêlent aux très nombreux supporters portugais au milieu de la gare de Sant Feliu de Llobregat, ville dortoir de la banlieue de Barcelone où le Barça a installé son centre d’entraînement. Après quinze minutes de marche sous une pluie battante apparaissent les luminaires imposants de l’antre de l’équipe réserve barcelonaise, devenant le temps d’un soir la terre d’accueil des Juvenil A pour affronter leurs collègues du Benfica. Le déluge s’abat sur Barcelone et les spectateurs courent pour vite se réfugier en tribunes. Circonstance exceptionnelle même : le club autorise chacun à se déplacer à travers les coursives afin de trouver une place au sec, alors que seule une partie des travées est couverte.

Le match des U19 sous une pluie qui ne présageait rien de bon pour la suite. Crédit: Anna Carreau.

Les U19 du Benfica eux ne font qu’une bouchée des Masians, qui en plus de faire une tête de moins que leurs adversaires, subissent les conditions climatiques et ne peuvent se trouver dans leur traditionnel redoublement de passes. Ilias Akhomach, jeune ailier de 17 ans et petit protégé de Xavi, observe la débâcle depuis les tribunes, suspendu de toutes compétitions européennes après son exclusion lors du dernier match avec les Juvenil.

Le score est sans appel : 3-0 pour les visiteurs, qui s’empressent de célébrer leur qualification pour les 16emes de finale de la Youth League devant leur kop qui n’a cessé d’user de sa voix pendant 90 minutes. Une mise en bouche avant LE match du soir, décisif pour les deux équipes.

Les U19 du Benfica venus remercier leur kop en fin de match. Crédit: Anna Carreau

“Vivement la rénovation du Camp Nou !”

Les Benfiquistas prennent le bus direction le Camp Nou, tandis que les Culers – surnom des supporters barcelonais – rejoignent individuellement le haut-lieu du soir. À deux heures du coup d’envoi, les fans se massent déjà devant les grilles qui entourent le stade blaugrana, malgré une pluie de plus en plus insistante. À la boutique du stade, les vendeurs ressentent déjà l’excitation d’un match décisif pour l’avenir du nouveau Barça de Xavi. Au moins une dizaine de nationalités différentes se sont données rendez-vous pour la rencontre, les obligeant à jongler entre espagnol, anglais, français ou onomatopées. L’heure de la rencontre approchant, le Barça Store se vide peu à peu, et chacun rejoint rapidement sa ‘puerta’. Sale temps pour les vendeurs de pipas ou d’écharpes de match bricolées à l’entrée, les trombes d’eau ayant raison de la consommation des spectateurs. 

Une heure avant la rencontre, les supporters affluent pour observer les premiers entrants s’échauffer. Dans un Camp Nou vétuste, les plus courageux vont à leur place initialement réservée vêtus d’une cape de pluie. Le reste de la foule s’entasse dans la partie plus haute de la tribune, à l’abri des gradins supérieurs. “Vivement la rénovation du Camp Nou” lance un socio qui remonte vers la partie couverte, évitant la coulée d’eau qui dévale d’une gouttière défectueuse. “Je n’ai jamais vu autant de pluie ici” s’étonne Miguel Perez, jeune abonné du FC Barcelone depuis 2013. Le projet de réparation n’étant toujours pas ratifié par les Socios, il faut s’armer de patience avant de vivre des matches du Barça au sec par ces temps-ci.

Un Camp Nou sous l’eau. Crédit : Anna Carreau.

Sous cette pluie qui persiste depuis maintenant plus de cinq heures, les joueurs entrent dans l’arène pour un échauffement en douceur, fait de phases offensives pour le Barça et de redoublement de passes et tirs pour les Aigles de Benfica. Au micro, le speaker énonce la composition de l’équipe visiteuse, puis des locaux, dont un nom particulièrement remarqué : celui de Xavi. L’emblématique milieu de terrain vit ce soir-là son premier match de Ligue des champions sur le banc du Barça, son deuxième toutes compétitions confondues. Dans ce match que les Blaugranas ne doivent pas perdre s’ils veulent ne pas jouer leur qualification pour les huitièmes face à l’ogre bavarois, le nouvel entraîneur fait face à une sacrée pression. “C’est une finale” titraient le matin-même la presse catalane.

Le coach peut heureusement compter sur un retour de taille dans son XI : Ronald Araujo, jeune défenseur central uruguayen à peine remis d’une blessure mais déjà indispensable dans un défense réputée friable. 

Gouttières cassées et ponchos. Crédit: Anna Carreau

Gavi, Nico et Araujo héros d’un Barça en manque de buts

Au coup d’envoi, les 49 000 spectateurs du soir se lèvent pour encourager le Barça, et donne enfin de la voix dans un avant-match très calme. La ‘grada d’animacio’, nom donné aux groupes qui remplacent les ultras évincés par les instances, déboule avec bannières et ponchos. Le groupe s’apprête à passer 90 minutes sous la pluie et littéralement mouiller le maillot.

Le mouvement de foule, peu habituel dans un Camp Nou réputé pour être un “théâtre”, vient perturber les plus habitués, qui doivent désormais se lever pour observer chaque action. Un gamin venu avec son grand-père s’en plaint même. “Je suis venu à un match que je ne peux pas voir !“, peste-t-il du haut de ses 8 ans. Le stade apparaît bien vide aux yeux des caméras, les supporters restant calfeutrés au sec. Ce qui ne les empêche pas de reprendre en cœur les chants lancés par le Gol Sur.

Les plus téméraires avec des parapluies, les autres réfugiés à l’abri des gradins. Crédit : Anna Carreau.

Après quelques frayeurs, le Barça met rapidement le pied sur le ballon, et développe le jeu de position que Xavi essaie de mettre en place depuis son arrivée. Peu d’occasions franches à se mettre sous la dent certes, mais une grosse bataille au milieu de terrain, menée notamment par Nico Gonzalez et Gavi. Nouveau chouchou du Camp Nou, le jeune andalou désormais titulaire avec la Roja fait lever tout le stade sur une percée balle au pied qui amène une très belle situation pour les Blaugrana. En vain. Les salutations d’un public de connaisseurs, qui lance un : “Gavi, Gavi, Gavi !”, rappelent un chant réservé à l’ancien numéro 10 adulé en Catalogne.

La première période laissera un goût d’inachevé aux Culers, qui espèrent voir leur équipe concrétiser ces bons ballons distillés par Nico, Gavi, mais aussi Alba ou encore le jeune Yusuf Demir, qui retrouvait le XI en profitant de l’absence des blessés.

Marseillaise, crochets et Ousmane Dembélé

L’entrée de Dembélé restera le high-light de la soirée. Le Français avait reçu le jour-même l’autorisation médicale pour disputer ce match couperet. “Malgré les risques de rechute” précisés parXavi en conf’ de presse, le feu follet français prend le risque d’entrer en jeu. À la 45e minute, le numéro 7 rejoint donc le peloton d’échauffement, et fait lever tout le Camp Nou qui n’attend alors qu’une chose : l’ouverture du score. “Lui il peut faire la différence” explique le grand-père à son petit-fils. “Mais Memphis aussi, il était fort à Lyon” lui rétorque-t-il. 

20 minutes plus tard, l’ailier ambidextre rejoint le banc blaugrana et enfile son maillot. Un geste suffisant pour enflammer le Gol Sur, qui lance alors La Marseillaise. “Ousmaaane Dembélé, Ousmaaane Dembélé, allez allez, Ousmane Dembélé” reprend tout un Camp Nou qui lui confie indirectement les clés de cette rencontre qui file peu à peu vers le 0-0. Ses percussions une fois sur le pré ne feront que stimuler l’espoir des Blaugranas, qui doit finalement s’en remettre à l’autre patron de la soirée: Ronald Araujo.

L’entrée d’Ousmane Dembélé, qui fait lever tout le stade

Il devient “le mur” du Camp Nou et stoppe à plusieurs reprises de très belles occasions du Benfica en tant que dernier défenseur. À chaque retour in-extremis, le jeune de 22 ans lève les bras et demande davantage d’encouragements. “Uruguayo, Uruguayo !” lance le Camp Nou, souvenirs d’un temps où Luis Suarez était l’Uruguayen à suivre de la formation catalane. Sorti sous les acclamations du public, il laisse sa place à Eric Garcia, qui saura parfaitement le suppléer. Son intervention sur Seferovic à la 93e est salvatrice, alors que les Lisboètes étaient tous proches de rentrer chez eux avec les trois points. 

Sortie d’Araujo sous les applaudissements. Crédit : Anna Carreau.

0-0 score final, pas de surprise donc pour le Barça, qui s’améliore dans la construction mais ne parvient toujours pas à concrétiser. 14 tirs, 3 cadrés, et aucun but. “On joue très bien et on progresse, mais on manque de buts” analyse Miguel Perez, qui se dit très pessimiste quand à la qualification dans deux semaines en Bavière. Deux rangs plus bas, Juan a lui le sourire jusqu’aux oreilles. “Je suis venu du Costa Rica pour vivre ce premier match et même s’il on a fait 0-0, je suis super heureux d’être là”, explique celui qui a fait 20 heures d’avion pour rejoindre sa soeur et son grand-père, immigrés en Catalogne. Son aïeul lui ne manque “aucun match du Barça depuis 20 ans”. Et il compte bien faire le déplacement à Munich avec son écharpe au nom de la Penya – un groupe de supporters – du Costa Rica que lui a ramené son petit fils. “Ça me portera chance pour la qualification !”

Anna Carreau

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